Kinds of kindness
Yorgos Lanthimos est un réalisateur et dramaturge grec bien connu du festival de Cannes. Il a obtenu le Prix Un certain regard pour Canine en 2009, le Prix du Jury pour The Lobster en 2015 et le prix du scénario pour Mise à mort du cerf sacré en 2017. Il présente en sélection officielle Kinds of Kindness
Kinds of Kindness est une fable en triptyque qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour mais semble être une personne différente ; et une femme déterminée à trouver quelqu’un de bien précis, doté d’un pouvoir spécial, destiné à devenir un chef spirituel prodigieux.
Ce film ne mettra pas d’accord les fans et les détracteurs du réalisateur. Il faut avouer que son cinéma est, disons, très peu conventionnel. Il aime la provocation trop souvent gratuite, les scènes gores de mauvais goût, l’appétence pour le sang frais et les situations désenchantées avec des personnages souvent cruels et pervers. Mais reconnaissons-le, ici, d’une manière plus sobre que dans ses derniers films. Le thème de l’être sous emprise, manipulé, en dépendance affective comme dans son précédent film Créatures, est repris largement, notamment dans le premier sketch où un employeur contrôle totalement la vie de son employé et en échange d’un très bon salaire lui donne des missions dangereuses. C’est le cas aussi de la femme retrouvée du policier dans le second. En guise de gentillesse il s’agit donc plutôt d’emprise et de manipulation. Mais tout en suivant sa veine provocatrice, le cinéaste ne nous intéresse pas au sort des personnages. Est-il vraiment intéressant d’ailleurs ! Heureusement que les acteurs sont formidables, à commencer par Emma Stone qui semble prendre beaucoup de plaisir dans ses différents rôles.
À son image par Éric Schwald de Cinémag
À la Quinzaine des cinéastes, le cinéaste Corse Thierry de Peretti est venu présenter son dernier film, après les remarqués Une vie violente ou Enquête sur un scandale d’état.
À son image, adapté du roman de Jérôme Ferrari paru en 2020, retrace la vie d’une jeune fille Corse se prenant de passion pour la photographie, et qui va documenter l’évolution des activités militantes nationalistes durant les années 80 et 90.
Le film retrace avec une grande finesse la destinée intime et les mouvements politiques de l’île, sans jamais perdre de vue le récit initiatique d’une femme tiraillée entre son désir de donner à voir et le questionnement éthique qui en découle. C’est là sa grande réussite que de donner à voir l’identité insulaire et la question de l’engagement à la périphérie, dans la vie des familles et non celle des groupuscules. L’intérêt porté aux jeunes femmes, compagnes des militants, concentre ainsi ces profondes contradictions entre la loyauté et une vie plus apaisée, tandis que les tensions internes aux partis vire à l’absurdité de règlements de compte et une pathétique autodestruction des forces contestataires.
La formidable interprétation de Clara-Maria Laredo apporte toute l’émotion vibrante de ce portrait habité et convaincu, qui questionne avec tact la mise en image de la violence par les reporters, et évolue vers une mise en valeur des anonymes et de la splendeur ignorée du quotidien. On saluera aussi la mise en scène de Peretti qui ne cesse de gagner en puissance de films en films et travaille avec brio l’art du portrait, l’ampleur des paysages et un rythme de montage qui laisse au personnage le temps d’exister et d’émouvoir.