Grand Tour de Miguel Gomez
Miguel Gomes est un réalisateur portugais à la tête de nombreux courts métrages et 5 longs. Il est l’auteur du magnifique Tabou (2012) qui a obtenu de nombreux prix. Il présente Grand tour en compétition officielle.
Rangoon, Birmanie, 1917. Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, s’enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, celle-ci part à sa recherche et suit les traces de son Grand Tour à travers l’Asie.
Gomez ne m’a pas déçue. On retrouve dans son film ce qu’au fond on attendait de lui : une rêverie nostalgique, un passé colonial déjà vu dans Tabou, un somptueux noir et blanc auquel il mêle cette fois-ci de la couleur. On parcourt avec Edward et Molly à ses trousses, la Birmanie, la Thaïlande, le Vietnam, Les Philippines, le Japon, souvent dans des décors de rêve ou dans une nature sauvage mais étrangement hospitalière. Plusieurs temporalités se mêlent dans le film, l’atmosphère de 1917 et celle du présent, avec des variations de couleurs. Il utilise également avec art et talent la voix off qui dans chaque langue du pays traversé, décrit la scène ou les sentiments des protagonistes. Seuls Edward et Molly, britanniques, ne parlent pas anglais mais portugais. Le spectacle est total : des scènes foraines, une grande roue actionnée à la main par les forains qui ouvre le film, du théâtre d’ombres, du théâtre de marionnettes, des chants, des danses, jusqu’au dernier plan, magnifique clin d’œil au cinéma où l’on voit des techniciens filmer la dernière scène du film. C’est là toute la magie du cinéma qui permet de bousculer le temps, l’espace, de nous faire vivre plusieurs époques à la fois dans des lieux différents, de nous faire rêver d’autre chose que de la plate réalité, de nous montrer des paysages sublimés par l’œil d’une caméra, de nous faire voir des créatures qui n’existe pas et qu’on ne pourrait même pas inventer ? Quel bel hommage au cinéma que nous offre Miguel Gomez ! J’espère vivement qu’il figurera au palmarès
Parthenope de Paolo Sorrentino par Éric Schwald de Cinémag
Le réalisateur italien Paolo Sorrentino est un fidèle cannois puisqu’il est sélectionné en compétition pour la septième fois. Après un détour par la plateforme Netflix, il fait son retour en salle par la grande porte et présente Parthenope, le portait d’une femme, de sa naissance en 1950 à nos jours. Dotée d’une beauté presque divine et dans un palais napolitain dominant la mer, la jeune fille va devoir apprendre l’émancipation par l’instruction en se lançant dans des études d’anthropologie, tout en composant avec les idéaux que lui offre le destin, et les désillusions qui les accompagnent inévitablement.
Les familiers de Sorrentino reconnaitront sans difficulté son style très formaliste et léché, où les plans d’ensemble magnifient des lieux de prestige et les ralentis transforment tous les personnages en icones. Un langage cinématographique qui se rapproche souvent du clip publicitaire, dans une méditation sur la beauté qui n’offrira pas beaucoup d’aspérités. Les aphorismes que formulent les personnages et quelques séquences pastichant le cinéma de Fellini ajoutent au sentiment d’une partition désincarnée, et l’agacement peut pointer au fil de ces deux heures et quart. Mais le cinéaste parvient tout de même, dans ce voyage au long cours, à saisir l’âme d’une ville et ses contradictions. Et dans ce portrait de femme, le passage du temps nourrit une maturité grandissante et un regard sur l’innocence perdue à même de faire surgir une véritable émotion.
Le festival s’achève. Je n’aurai pas eu le temps de vous parler du très beau film de la réalisatrice indienne Payal Kapadia, All we imagine as Light qui a des chances d’être primé, du magnifique film du dissident iranien Mohamad Rasoulof qui est à Cannes, Les graines du figuier sauvage. Dans l’atonie de la compétition officielle cette année, quelques films ont émergé que je souhaiterais voir au palmarès Diamant brut, le premier film d’Agathe Riedinger, Trois kilomètres jusqu’au bout du monde d’Emanuel Parvu, Emilia Perez de Jacques Audiard, Limonov the Ballad de Kirill Serebrenikov et Grand Tour de Miguel Gomes