Maria

Autrice : Jessica Palud, née en 1982, est une réalisatrice et scénariste française. Elle commence sa carrière en tant que stagiaire, en 2003, sur le film Innocents – The Dreamers de Bernardo Bertolucci, puis comme troisième assistante réalisatrice sur marie-Antoinette de Sofia Coppola. Elle participe ensuite à plusieurs longs métrages du réalisateur français Philippe Lioret. Elle travaille également avec Eric Lartigau. Son court métrage Marlon (2017) est sélectionné dans plus de 150 festivals (Cannes, Toronto, Stockholm, Vancouver, Clermont-Ferrand…) et obtient 40 prix internationaux dont le grand prix UniFrance, le prix RTI et le prix Grand Action lors du festival de Cannes 2017, le prix Passages du Festival Silhouette de Paris. Elle réalise ensuite un premier long métrage, Les Yeux fermés (2013), puis Revenir (2019). Cette libre adaptation du roman L’Amour sans le faire de Serge Joncour obtient le prix du meilleur scénario dans la section Orizzonti à la Mostra de Venise. À partir du récit de Vanessa Schneider elle réalise Maria qui retrace un passage de la vie de l’actrice Maria Schneider, qui est présenté à Cannes Première en 2024.

Interprètes : Anamaria Vartolomei (Maria Schneider) ; Matt Dillon (Marlon Brando) ; Yvan Attal (Daniel Gélin) ; Céleste Brunnquell (Noor, l’amie) ; Guiseppe Maggio (Bernardo Bertolucci).

Résumé : Début des années 1970. Une jeune comédienne enflamme la pellicule d’un film sulfureux devenu culte sans être préparée ni à la gloire ni au scandale.

Analyse : Ce film retrace le début de la carrière de Maria Schneider qui est recrutée par le grand metteur en scène italien, Bertolucci, pour jouer le rôle principal dans le film Le dernier tango à Paris, aux côtés de Marlon Brando, la gloire américaine que l’on connait. Être sollicité à 19 ans dans un tel contexte, comment refuser ? Maria, fille adultérine de Daniel Gélin et de Marie-Christine Schneider, non reconnue et voyant très peu son père, rêve de faire du cinéma. Elle a eu jusqu’ici des petits rôles et pense détenir le rôle de sa vie. En effet, mais pas celui qu’elle croit. La fameuse scène où le personnage masculin sodomise sa compagne en la lubrifiant avec du beurre a provoqué dans les années 70 un énorme scandale hypocrite dans une France qui se drape dans la moralité et se repait en douce de films pornos. La réalisatrice ne se contente pas de retracer ce scandale et le ressenti de Maria ; elle montre, outre le contexte familial difficile de la jeune Maria, comment cette œuvre a été déterminante pour la suite de sa carrière et de sa vie. La jeune fille qui ne s’est vu proposer pendant longtemps que des rôles de femme légère, sensuelle ou sulfureuse, a sombré dans les drogues dures et la dépression. La réalisatrice nous montre également comment, grâce à l’aide d’une jeune étudiante en cinéma devenue son amante, elle est remontée des ténèbres. On sait qu’elle a eu ensuite quelques beaux rôles comme Profession : reporter, de Michelangelo Antonioni, ou Merry-Go-Round, de Jacques Rivette, mais n’a pas su gérer le dernier de sa vie : la lutte contre un cancer qui l’a emportée à 58 ans. Le scandale n’est toutefois pas là où l’on croit. Il est dans le fait que cette jeune fille a été abusée pour tourner cette fameuse scène. Scène qui n’était pas prévue au scénario et a été décidée entre Bertolucci et Marlon Brando sans que l’actrice n’ait été prévenue. Devant sa réaction, dévastée par une telle violence, le réalisateur est venu la « consoler » en lui expliquant que si elle avait su d’avance elle aura « joué », au détriment de l’authenticité de la scène. S’est-il seulement demandé si elle aurait accepté ?

Même si l’on peut observer une mise en scène classique, mais qui illustre parfaitement le propos, c’est un film important dans la lignée du #MeToo qui secoue le cinéma, où il n’est pas vain de rappeler qu’au nom d’un art on considère les jeunes actrices comme des objets à la disposition du réalisateur au bénéfice d’une œuvre, et de montrer le prix que doivent (encore) payer certaines actrices pour arriver à exercer ce métier. Maria qui a dénoncé ces faits de son vivant, n’a pas été entendue dans un contexte où cette parole-là n’était pas crédible. Elle le serait peut-être davantage aujourd’hui. Sa petite cousine Vanessa Schneider a tenu à lui rendre hommage dans une biographie qu’elle a écrite, Tu t’appelais Maria Schneider, dont le long-métrage de Jessica Palud est librement adapté. Il faut pour terminer souligner la bouleversante interprétation d’Anamaria Vartolomei, très proche physiquement de Maria Schneider, qui montre avec finesse et conviction le calvaire subi par Maria sur ce tournage et ses répercussions tout au long de sa vie.

Laisser un commentaire