L’Affaire Nevenka

Auteur : Icíar Bollaín, née en 1967, est une réalisatrice, scénariste, actrice espagnole. Elle commence une carrière d’actrice à 15 ans. Activité dans laquelle elle a un grand succès, étant considérée meilleure actrice espagnole de l’année 1992. Elle se tourne ensuite vers le cinéma et réalise en 1995 son premier long métrage Coucou tu es seule ?. Suivent 10 autres longs métrages, tous centrés sur des sujets de société plus ou moins politiques. Ses principaux longs métrages sont Flores de otro mundo (1999) qui aborde les problèmes de sexisme et de rejet de l’autre, Ne dis rien (2003), l’histoire d’une jeune femme victime de violence conjugale qui se libère par la peinture, Même la pluie (2010) qui relate la relation entre la découverte de l’Amérique en 1492 et les changements qu’a entraînés cet événement dans le pays, L’Olivier (2016) sur la puissance des multinationales, Les Repentis (2021) sur les rencontres entre victimes et terroristes de l’ETA. L’Affaire Nevenka (2024), revient sur les violences sexistes.

Interprètes : Mireia Oriol (Nevenka) ; Urko Olazabal (Ismael) ; Ricardo Gómez (Lucas).

Résumé : Années 1990, en Espagne. Une jeune conseillère municipale dénonce courageusement les agissements du maire de sa ville qui la harcèle depuis des mois.

Analyse : Icíar Bollaín, dans une mise en scène très classique, analyse avec finesse et intelligence la mécanique du harcèlement sexuel, comment une jeune fille, intelligente, jolie, pleine de talents, tombe dans le piège d’un prédateur, homme politique puissant dont dépend sa carrière. Nevenka Fernández, 25 ans, terminant ses études à Madrid, a été approchée par Ismael Alvarez, maire de Ponferrada et son équipe, afin de se présenter comme conseillère municipale aux prochaines élections. Elle se retrouva propulsée responsable des finances, poste élevé pour un premier mandat. Le film est construit en un flash-back. Les premières scènes montrent une femme terrorisée, terrée dans son appartement, puis avec un avocat qui la conforte sur son projet, porter plainte, en lui disant des mots si importants pour ce genre de victimes : « je te crois ». La réalisatrice est partie d’un fait réel, assez peu ordinaire : un premier procès pour harcèlement moral et sexuel intenté contre un homme politique puissant et sa condamnation, dans une Espagne viriliste et machiste à la fin des années 1999. (Il faut souligner que l’Espagne est aujourd’hui un des pays dont la législation est la plus avancée en matière de droit des femmes et dont la France gagnerait à s’inspirer). Tout au long du film on tremble devant les avances insistantes de ce maire qui se comporte en petit despote dans sa région. La réalisatrice démonte brillamment les différentes étapes de son emprise ; Nevenka a cédé au début à ses avances, mais très vite elle a voulu rompre. S’enclenche alors la mécanique de la violence patriarcale, les pressions motivées par la rancœur d’un orgueil blessé, le chantage, les insultes, l’humiliation et le mépris. Relation qui ne passe pas inaperçu aux yeux des autres membres du conseil qui par lâcheté soutiennent le maire en mettant en cause la compétence professionnelle de Nevenka. La réalisatrice montre également comment la solidarité féminine peut devenir cruellement défaillante quand des intérêts sont en jeu. Cette descente aux enfers, cette destruction psychique et physique, cette détresse, cette sidération, cette absence de consentement impossible à exprimer, sont parfaitement inscrits sur le visage de cette magnifique actrice Mireia Oriol. Un film puissant, qui même s’il donne le sentiment d’arriver un peu tard, est nécessaire. 

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