Auteur : Ray Yeung est un réalisateur et scénariste Hongkongais. Ses films sont souvent centrés sur des histoires gay. En 2021, il a reçu le prix de l’artiste de l’année pour le cinéma attribué par le Hong Kong Arts Development Council. Il est président du festival de films LGBT d’Hong Kong, le plus ancien d’Asie. Il a relancé le festival en 2000. Il a réalisé 11 films dont Un printemps à Hong Kong (2019) qui aborde la relation amoureuse entre deux hommes âgés. Il a obtenu de nombreux prix et nominations de 2019 à 2022. Tout ira bien aborde les problèmes d’une veuve à la mort de sa compagne.
Interprètes : Patra Au (Angie) : Maggie Li (Pat) ; Tai-Bo (Shing, le frère de Pat) ; Chung-Hang Leung (Victor, le neveu de Pat).
Résumé : C’est l’histoire de la relation amoureuse entre deux femmes sexagénaires, Angie et Pat, qui vivent sereinement leur relation depuis plus de trente ans, entourées de leur famille aimante. Jusqu’à ce que l’une d’elle décède brutalement.
Analyse : Tout ira bien, ce n’est pas si sûr. Ce serait plutôt l’inverse ! Un film d’une grande délicatesse, sensible et d’une rare élégance. Il commence dans une atmosphère douce pleine de tendresse dans la vie de deux femmes qui vivent ensemble depuis plus de trente ans, Angie et Pat. On serait tenté de dire douceur, calme et volupté. Une relation d’une grande tendresse, placée sous le signe de l’évidence. Elles semblent très bien acceptées dans la société dans laquelle elles vivent et dans leurs familles respectives, dans un pays où pourtant le mariage entre personnes de même sexe est interdit. Le film commence d’ailleurs par une grande réunion de famille autour d’une table où l’entente et l’amour règnent incontestablement. Mais le drame survient à petits pas après une ellipse. On voit Angie dévastée et on comprend que Pat vient de mourir brutalement. Par petites touches l’univers d’Angie va se fissurer avec sa belle-famille qui persiste à la présenter simplement comme « une amie de Pat ». La première dissension concerne l’application des dernières volontés de Pat. Elle a émis auprès d’Angie son désir de reposer en mer. Mais un devin de la famille considère qu’elle doit être dans le funérarium car sinon elle ne serait pas en paix, ce qui rejaillira sur la famille. Le pire arrive lorsque la famille veut récupérer l’appartement dans lequel elles vivaient. Angie a aidé à l’acheter, mais seul le nom de Pat figure légalement comme propriétaire, ce qui exclut toute possibilité pour Angie de rester dans les lieux, aucun testament n’ayant été laissé par Pat. La coalition familiale contre Angie révèle l’homophobie rampante d’une société patriarcale chinoise qui jusqu’à présent ne faisait que sauvegarder les apparences. Le réalisateur a déclaré avoir toujours été frappé par les discriminations qui frappent les veufs ou veuves dans un couple homosexuel. Le survivant n’a doit à rien sauf manifestation expresse du défunt. D’autres éléments sont soulignés par le réalisateur. Le frère d’Angie a une position sociale médiocre, et doit prendre un travail de gardien de parking pour assurer le bien-être de la famille, tandis qu’Angie et Pat vivaient dans l’aisance. Ce qui a suscité des jalousies. A cette différence de classe s’ajoute l’avidité d’une famille qui voit là l’occasion, dans un marché immobilier tendu, de devenir des propriétaires, au mépris de toute valeur morale, quitte à détruire la vie d’Angie. Ray Yeung réussi à faire un film doux, sensible et émouvant, d’une grande beauté et d’une grande cruauté.