Le Mohican

Auteur : Frédéric Farrucci, 49 ans, est un réalisateur, scénariste français. Il commence sa carrière cinématographique par la réalisation de séries documentaires et de courts métrages, L’offre et la demande (2007), Suis-je le gardien de mon frère (2012), Sisu (2015), Entre les lignes (2018). Il passe au long métrage avec La nuit venue (2020). Le Mohican, son second long, a été sélectionné à la Mostra de Venise 2024 et a obtenu le Prix à la création de la Fondation Gan.

Interprètes :Alexis Manenti (Joseph) ; Mara Taquin (Vannina).

Résumé : En Corse, un berger doit prendre la fuite après avoir accidentellement tué un influent mafieux qui venait pour le contraindre à céder son terrain.

Analyse : Le cinéma corse se porte bien. Après À son image de Thierry de Peretti (voir la fiche du 16 septembre 2024) et Le Royaume de Julien Colonna (voir la fiche du 20 novembre 2024), Frédéric Farrucci a réalisé Le Mohican à partir de la vie d’un véritable berger que le cinéaste avait rencontré dans un de ses courts-métrages documentaires. Ce film met l’accent sur une des plaies de l’île : la mafia et ses visées sur la possession de terres bien placées qui lui permet de bâtir des empires immobiliers touristiques. Certes ce n’est pas une étude sur cette mafia mais elle est présente tout au long de l’action et c’est un film éminemment politique. Joseph est un des derniers bergers du littoral corse qui élève des chèvres sur des terres en bord de mer, qui occupent un coin paradisiaque de la Corse du Sud. Avec leur méthode bien connues d’intimidation qui peut aller jusqu’au meurtre, des hommes viennent trouver d’abord gentiment Joseph pour lui proposer de vendre son terrain. Le refus du berger les fait revenir à la charge cette fois plus menaçants, puis carrément armés. Joseph tue, à la suite d’une bagarre, le mafieux avec l’arme qu’il brandissait, et traqué, se trouve obligé de prendre le maquis, allant d’une cache à une autre. L’action se centre sur l’errance de Joseph et sur sa nièce, Vannina, qui commence une campagne pour défendre son oncle, dans l’anonymat des réseaux sociaux. Elle alerte par ce biais la population et Joseph devient Le Mohican, l’homme qui dit « non », symbole d’une résistance collective. Des chansons sont créées à sa gloire, son visage est tagué sur tous les supports publics, comme en son temps, on avait vu la figure d’Ivan Colonna, jusque sur des poubelles. Un souffle d’espoir pour l’île dans laquelle le courage de la population et son opposition aux dérives mafieuses se manifeste franchement. Par son entrée en résistance Vannina va réussir à libérer la parole dans ce pays où l’omerta se fait complice des voyous. Farrucci souligne ici le rôle des femmes qui tout au long de l’histoire de la Corse ont prouvé que chez elles le courage est une vertu ordinaire (voir en littérature Colomba de Prosper Mérimée). 

Ce film, qui utilise tous les codes du western, est très « fordien », Farucci étant un admirateur du Ford de l’Homme qui tua Liberty Valance. Il est d’une grande justesse et a un accent de vérité, renforcé par le fait que les acteurs sont en majorité des non professionnels qui parlent la langue corse. Alexis Manenti, qui est originaire de l’île, incarne la résistance d’une partie de l’île en ressuscitant la figure du paysan têtu, courageux, cultivant des valeurs morales d’honnêteté et de rigueur. Il met également l’accent sur les deux populations qui peuplent l’île essentiellement l’été, deux mondes qui ne se côtoient pas, d’un côté les autochtones et de l’autre les touristes qui se prélassent dans les piscines des grands hôtels, ou à la plage. Un très beau film.

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