Le joueur de go

Auteur : Kazuya Shiraishi né en 1974, est un réalisateur japonais très peu connu en France. Il se forme à l’Institut de l’image que le cinéaste Genji Nakamura organise uniquement les week-ends à Tokyo. Il collabore en tant qu’assistant réalisateur indépendant auprès de nombreux cinéastes japonais avant de réaliser son premier film, Lost Paradise in Tokyo en 2009. Il a réalisé dix-sept films, plusieurs séries télé dont une sur le catch féminin (« The Queen of Villains », visible sur Netflix). Le joueur de go est son premier film distribué en France.

Interprètes : Tsuyoshi Kusanagi (Yanagida) ; Kaya Kiyohara (sa fille) ; Takumi Saitoh (Shibata) ; Jun Kunimura (Yorozuya, un adversaire au jeu).

Résumé : Ancien samouraï, Yanagida mène désormais une vie modeste avec sa fille à Edo et dédie ses journées au jeu de go avec une dignité qui force le respect. Quand son honneur est bafoué par des accusations calomnieuses, il décide d’utiliser ses talents de stratège pour mener combat et obtenir réparation…

Analyse : Le réalisateur japonais Kazuya Shiraishi, peu connu en France, réalise, dans ce Japon féodal de l’époque Edo (ancien nom de Tokyo) 1603-1867, un film d’une grande élégance formelle, un film de samouraï, un chambara, l’équivalent de nos films de cap et d’épée, mais où les combats sont métaphorisés dans un combat face à un damier de jeu de go. Jeu aux règles simples qui consiste à encercler les positions de l’adversaire, mais d’une grande complexité d’exécution car il demande beaucoup de stratégie et de prévision. Yanagida est un ancien samouraï qui, victime d’une injustice, vit pauvrement avec sa fille dans un quartier de la ville comme graveur de sceaux. Il a conservé les codes d’honneur de son ancien milieu (le bushido), d’une grande rigueur morale, loyal, refusant l’argent trop facile. C’est un redoutable joueur de go. Le film est centré sur ce jeu plus que sur les combats à l’épée. Même si l’intrigue peut paraitre au début complexe, tout devient limpide très rapidement, et même si on ne comprend rien à ce jeu, il est fascinant de regarder les parties menées par ce joueur d’un calme stratégique, au visage impénétrable et d’une grande élégance. À aucun moment les scènes de jeu ne sont ennuyeuses car il y a un véritable enjeu dramatique en chacune d’elles. C’est un jeu qui est lent mais les coups de Yanagida sont implacables. Ce qui est intéressant c’est la transposition de la violence des combats d’épée très peu présents dans ce film sur un jeu d’un grand calme et d’une grande réflexion stratégique. Le réalisateur a mis un soin tout particulier dans sa réalisation, faisant preuve d’un grand raffinement, d’une grande élégance et d’une esthétique très délicate, dans la plus pure tradition des grands classiques du cinéma japonais à la Kurosawa. Une reconstitution de l’époque qui donne des plans d’une somptueuse beauté avec de magnifiques travellings. La seconde partie est plus dynamique pleine de suspens, mêlant vengeance, course contre la montre, jusqu’à une scène finale époustouflante où les qualités humaines l’emportent sur la rigidité des principes. Un très beau film. 

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