FESTIVAL DE CANNES 26 MAI 2017

Je voudrais terminer ces chroniques cannoises sur les quelques films de la sélection Un certain regard que j’ai pu voir, et je m’excuse d’avance pour sa longueur inhabituelle.

Las Hijas de Abril de Michel Franco. Ce cinéaste mexicain revient à Cannes dans la sélection Un certain regard après avoir obtenu pour Chronic le prix du scénario dans la compétition officielle en 2015. Le cinéaste nous a habitué à un cinéma dérangeant et iconoclaste. Il y eu Daniel y Ana avec l’inceste forcé puis Despues de Lucia où une ado est témoin de la mort de sa mère puis victime de harcèlement dans le cadre de son école. Depuis Chronic il semblait s’être un peu assagi, tout en traitant d’un sujet peu ordinaire : il suivait le quotidien d’un infirmier en soins palliatifs. Ce dernier film est dans la même veine que Chronic car nous y retrouvons le cinéma de l’auteur avec ses longs plans fixes, sa mise en scène, l’ambiance qu’il sait créer dans les scènes d’intérieur. Se serait-il assagi pour aller plus en profondeur dans ses sujets ? Pas sur ! Valéria, jeune fille de 17 ans vit avec sa sœur. Elle est enceinte mais ne veut pas le dire à sa mère pour qu’elle ne s’en mêle pas. Toutefois par nécessités matérielles, sa mère April, incarnée par la si belle Emma Suarez que l’on avait vue l’an passé dans Julieta, débarque chez ses filles. Cette mère est particulièrement envahissante (on comprend les réticences de Valéria) finit par prendre l’enfant totalement en charge, allant même jusqu’à le faire adopter sans en parler à sa fille. Le drame pour Valéria sera bien pire encore. Ce personnage maternel est assez terrifiant : abusive, véritable vampire, terriblement autoritaire, utilisant les êtres comme des jouets. Toutefois à vouloir être dans les situations provocantes, Franco semble en oublier la dimension psychologique. La fin nous laisse vraiment sur notre faim, sans vouloir faire un mauvais jeu de mots. D’une part par l’attitude de cette « mère », ensuite par ce qui semble être un ouverture pour Valéria et qui n’en est vraiment pas une. Ce film a convaincu le jury car il vient d’obtenir le prix du jury d’Un certain regard.

L’atelier de Laurent Cantet. Ce cinéaste nous a habitué aux documentaires sur des terrains où se nouent les relations sociales. Il avait obtenu en 2008 la palme d’or pour Entre les murs. Dans ce docu-fiction il s’intéresse à un groupe de jeune de la Ciotat, filles et garçons en difficultés scolaires, d’origines très diverses qui suivent un atelier d’écriture animé par une romancière de polars à succès, Olivia, incarnée par Marina Foïs. Les idées fusent, la parole se délie, mais aussi les tensions, les invectives sous fond de Daech et d’attentat du Bataclan. Comme décors du roman policier qu’ils doivent écrire, les choix divergent et ne sont pas anodins ; certains le situeraient volontiers dans le cadre des chantiers navals sinistrés, d’autres dans le port de plaisance. Antoine se détache du groupe. Jeune homme taiseux, buté, d’origine petite bourgeoise, est attiré par les armes et l’extrême droite. Se noue entre l’animatrice et lui une relation très ambiguë, d’attirance-répulsion qui entraîne le film vers la fiction où l’on voit basculer l’écriture du roman policier vers la réalité. Cette partie me semble moins bien réussie que la première car elle n’apporte rien à ce que voulait être le film et sombre quelque peu dans la banalité.

Jeune femme, premier film très prometteur de Léonor Serraille. Ce film nous conte les tribulations d’une jeune femme qui vient de se faire quitter par son petit ami et qui se retrouve à la rue avec le chat de ce compagnon. Elle hurle, engueule tout le monde, même les médecins qui veulent l’aider. Elle ne sait où aller mais avec panache elle va prendre sa vie en main. Elle squatte chez des copines, chez des rencontres de passage, prend n’importe quel métier qui se présente. Quelle énergie chez cette jeune femme et qu’elle leçon de vie ! L’actrice, Laetitia Dosh, est époustouflante de vitalité. Un film qui fait du bien.  Peut-être la caméra d’or ?

Dopo la guerra, premier film d’une réalisatrice italienne, Anna Zambrano. Film souvenir. Bologne 2002. Le refus de la loi travail provoque des manifestations importantes, spécialement dans les universités. Un juge est assassiné et le passé tragique resurgit. Spécialement dans les relations entre la France et l’Italie car Marco, réfugié en France de puis 20 ans bénéficiait des lois Mitterrand. Il est soupçonné d’être à l’origine de cet acte de terrorisme. La loi française vient d’autoriser les extraditions vers l’Italie. Il fuit la France avec sa fille qui ne veut pas quitter notre pays. Par ailleurs sa famille en Italie subit les conséquences de ce soupçon. Film d’une réalisation studieuse et honnête, bon travail d’une étudiante qui viendrait de sortir de l’école de cinéma. Mais sans imagination ni nouveauté.

La novia del desierto, premier film également de Cecilia Atan et Valeria Pivato, deux réalisatrices argentines. Ce film est un coup de cœur. Teresa incarnée par Paulina Garcia qu’on avait aimé dans Gloria, a 54 ans et est depuis l’âge de 20 ans au service d’une même famille. Autant dire qu’elle n’a pas la sienne. Elle doit aller à San Juan pour être au chevet d’une vieille dame. À la suite d’une panne de son autobus qui la retarde de 24 heures, sa vie va prendre une tournure inattendue. Le film suit le rythme de la vie de Teresa. Lent et fait de petits riens au début. Puis il s’accélère et Teresa, au visage fermé de insondable des êtres sans vie propre s’épanouit peu à peu quand il semble que son horizon ne soit plus fait uniquement de services auprès des autres. Tout est en finesse grâce aussi à l’interprétation de Paulina Garcia et de Claudio Rissi dans le rôle d’un forain. Les paysages, magnifiquement filmés, du désert argentin sont à l’image de la vie de Teresa. Ce film aurait mérité d’être couronné.

Comme vous pouvez le constater les femmes ont été à l’honneur, spécialement dans la sélection Un certain regard.

Ce soir nous aurons les résultats du Palmarès officiel. Je ne peux faire aucun pronostic tant les voies des jurys sont insondables. Mais je pense que 120 battements par minute a des chances, de même que Faute d’amour et, je l’espère, Vers la lumière de Naomie Kawase qui a déjà obtenu hier le Prix du jury oeucuménique.

2 Comments

  1. Nous verrons si le jury est de votre avis… ? Merci pour nous avoir fait vivre le festival de l’intérieur !

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