LA BELLE ET LA MEUTE

Auteur : Kaouther Ben Hania est une réalisatrice tunisienne née en 1977. Elle étudie de 2002 à 2004 à l’École des arts et du cinéma de Tunis. Elle réalise durant cette formation plusieurs courts métrages, dont l’un, La Brèche, est remarqué. En 2003, elle participe également à un atelier d’écriture de long métrage financé par Euromed. En 2004, elle prolonge sa formation à La Femis, tout d’abord dans le cadre de l’université d’été puis en 2004-2005. En 2006, elle réalise un autre court métrage, Moi, ma sœur et la chose, inspiré de la nouvelle Le jeune homme, l’enfant et la question de Mohsen Ben Hania. Elle reprend des études, en 2007-2008, à l’Université Sorbonne-Nouvelle. Un court métrage de 2013, Peau de colle est très remarqué. Puis elle réalise plusieurs longs métrages, distingués dans plusieurs festivals internationaux (Mostra de Venise en 2013, festival international du film de femmes de Salé, festival du film francophone de Namur, en 2014, Cannes en 2017). Le premier de ses trois longs métrages est Le Challat de Tunis, sorti en 2014, une satire sociale au ton ironique, tout en abordant comme les œuvres suivantes les rapports entre les sexes. Puis en 2016, Zaineb n’aime pas la neige et La Belle et la Meute en 2017.

Résumé : Mariam, jeune tunisienne, participe à une fête étudiante où elle s’intéresse à un jeune homme. Quelques heures plus tard on la voit errer en état de choc dans les rues, la robe déchirée. Commence pour elle une longue nuit d’angoisse, de lutte pour faire reconnaître ses droits et le respect de sa dignité de femme. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?

Analyse : Inspiré du livre Coupable d’avoir été violée de Meriem Ben Mohamed et Ava Djamshidi, ce film sélectionné à Cannes dans la catégorie Un certain regard, est un très beau film, poignant et fort car il traite du viol, qu’on ne voit pas, d’une jeune fille par des policiers. La réalisatrice s’est inspirée d’un fait réel qui a eu lieu quand Enardha était arrivé au pouvoir. L’atmosphère pesante de cette nuit d’angoisse est particulièrement bien retracée grâce à neuf longs plans séquences, caméra à l’épaule, tournés dans une unité de temps, une nuit. « L’usage du plan-séquence permettait de générer une tension et de plonger le spectateur dans la sensation du temps réel, même si le film est composé de neuf fragments » nous dit la réalisatrice. La jeune Myriam veut porter plainte pour obtenir la condamnation de ses bourreaux mais n’arrive pas à se faire entendre. Seule, abandonnée de tous, même de ceux qui auraient voulu l’aider, c’est le parcours douloureux et révoltant de cette jeune fille, qu’une mise en scène précise et brillante nous fait vivre, l’estomac noué, passant du fait divers au thriller psychologique. Face à la meute elle se heurte aux tabous de la société, de la famille, de la religion, et aux policiers naturellement. Elle est d’un courage exemplaire car malgré les pressions, les intimidations, les violences et les menaces, elle persiste dans sa volonté de dénoncer les infâmes et fait tomber l’impunité acquise trop souvent dans ce genre de faits. Dans la réalité les policiers ont été condamnés à 15 ans de prison. Elle devient sans le vouloir une vraie militante, figure emblématique de cette jeunesse tunisienne qui a participé à la révolution et qui veut croire en un véritable État de droit. C’est un hymne aux femmes et particulièrement aux femmes tunisiennes, que je connais bien au travers de différents mouvements associatifs et qui sont absolument remarquables, que nous offre la réalisatrice. Un film plein d’espoir, admirablement interprété par la jeune Mariam Al Ferjani, que je vous conseille vivement.

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