EL PRESIDENTE

Auteur : Santiago Mitre est un acteur, scénariste et réalisateur argentin, né en 1980. Après des études de cinéma à la Universidad del Cine, il débute comme acteur, réalise des publicités et commence en 2006 à écrire pour la télévision et le cinéma, devenant notamment coscénariste des films de son compatriote Pablo Trapero. Il fonde en 2011 la société de production indépendante La Unión de los Ríos. Son premier long métrage El estudiante (2011), très ancré dans la réalité contemporaine, a été préparé à la façon d’un reportage. Son deuxième long métrage Paulina (La patota) a été présenté à la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2015 où il a remporté le Grand prix de la semaine de la critique, le prix FIPRESCI et trois prix au Festival de Saint-Sébastien. Il est en couple avec l’actrice Dolores Fonzi, qui a joué le rôle-titre dans Paulina et qui est la fille du Président dans El Presidente.

Résumé : Au cours d’un sommet rassemblant l’ensemble des chefs d’état latino-américains dans un hôtel de la Cordillère des Andes chilienne, Hernán Blanco, le président argentin, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant sa fille à travers son gendre. Alors qu’il doit se battre pour conclure un accord primordial pour son pays, il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille.

Analyse : J’ai bien aimé ce film à la mise en scène élégante, subtile et efficace, bien filmé tant dans les scènes d’intérieur qu’à l’extérieur, avec des vues somptueuses sur la Cordillère des Andes enneigée. D’ailleurs ce film s’intitule La Cordillera, El présidente n’étant que le sous-titre. Santiago Mitre a su habilement mêler dans un même film deux thèmes importants. D’une part les dessous des tractations politiques, avec des reconstitutions saisissantes du manège des conseillers autour du président, des pas feutrés dans les couloirs, des jeux de pouvoir, des parties d’échecs diplomatiques qui se jouent sur la scène internationale, des tractations et intimidations des États-Unis à l’égard de ceux qu’elle a toujours considéré comme des pays à dominer et à exploiter et non à traiter sur un pied d’égalité. Ce président, incarné par le magnifique, charismatique Ricardo Darin auquel le film doit beaucoup, est peu sûr de son nouveau pouvoir qu’il a conquis en se présentant sur un slogan « un homme comme vous », un président « normal » en somme, ce qui ne lui a pas valu une autorité de chef d’État dans son pays. Ce sommet international au Chili va lui permettre d’asseoir son pouvoir. C’est certes un politicien roué, élégant, énigmatique, usant de sa séduction, mais trop peu expérimenté. Le réalisateur nous fait l’accompagner depuis son départ du palais présidentiel, puis dans l’avion présidentiel, à l’arrivée très officielle sur le tarmac de l’aéroport accueilli par la présidente du Chili, jusqu’au bal des limousines noires qui serpentent les routes enneigées pour atteindre le lieu du sommet, hôtel luxueux isolé, niché à trois mille mètres d’altitude. Il y fait très froid, tout semble étouffé par la neige qui entoure, mais le feu des tractations et des rencontres secrètes couve. Cette première partie est sobre et élégante. Le second thème du film y est d’ailleurs déjà annoncé. Avant le départ ses conseillers l’avaient averti qu’une affaire de corruption d’une campagne électorale antérieure risquait d’éclater du fait de son gendre. Mais rien ne doit transparaître et tout doit être étouffé pour la réussite du sommet. Toutefois, et c’est l’objet du second thème, l’histoire se précipite et Hernán Blanco doit faire venir sa fille, être fragile et instable. Il la fait soigner par un psychiatre chilien qui pratique une séance d’hypnose d’où émergent chez la jeune femme des souvenirs troublants qui inquiètent et impressionnent son père car, dit-il, au moment des faits elle n’était pas née. Se joue alors une partie psychologique où l’on découvre que ce président « normal » cache peut-être de lourds secrets. Au suspens politique – réussira-t-il à s’imposer dans ce sommet – le réalisateur ajoute un thriller psychologique. Ces souvenirs ne seraient-ils pas ceux que son père a enfouis ? Les fêlures personnelles apparaissent alors chez cet homme maître de lui-même et inébranlable, qui nous laissent entrevoir sa fragilité. Le doute que le réalisateur ne veut pas lever s’installe alors chez le spectateur. Il est dommage que la fin abrupte nous laisse trop à nos questions tant sur le plan de l’aboutissement du sommet que sur la réalité humaine de ce président.

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