Auteures : Betsy West et Julie Cohen sont deux réalisatrices et productrices américaines.
Résumé : C’est un documentaire qui nous fait découvrir la vie fascinante de Ruth Bader Ginsburg, 85 ans aujourd’hui, une des femmes les plus influentes au monde et le dernier rempart anti-Trump.
Analyse : Je vous recommande très vivement de voir, si vous le pouvez, ce documentaire sur la vie de Ruth Bader Ginsburg. Icone très populaire aux Etats Unis, mais peu connue en France, cette petite bonne femme (c’est affectueux dans ma bouche) de 85 ans vous enthousiasmera. Ce bout de femme au regard pétillant d’intelligence a réussi à se hisser aux plus hautes fonctions judiciaires de son pays, juge à la Cour suprême.
Le documentaire retrace son parcours et ses combats pour le droit des femmes et l’égalité de genre. Née en 1933 à Brooklyn de parents juifs émigrés d’Odessa, elle réussit à intégrer l’Université d’Harvard où elle mène de très brillantes études de droit et où elle est la deuxième femme sur une promotion de 500 étudiants. Le doyen de cette université lui dira : « Pourquoi occuper une place qui devrait revenir à un homme ? ». Elle se voit d’ailleurs refuser l’entrée de la bibliothèque universitaire ; nous sommes dans les années 50. Tenace, sérieuse, brillante, supérieurement intelligente, elle doit se battre pour être autorisée à collaborer aux revues juridiques très prestigieuses de Harvard et Columbia, fait très exceptionnel à l’époque pour une femme. S’étant vu refuser l’entrée au barreau parce que femme, elle se consacre à l’enseignement et se spécialise dans les discriminations sexistes. Nous sommes dans les années 60 dans un pays où une femme peut être licenciée en raison de sa grossesse, où l’accès à l’armée de l’air est interdit aux femmes puis étant enfin admises, où elles n’ont pas droit aux mêmes primes que les hommes, où le salaire des femmes est systématiquement moins élevé que celui des hommes (c’est encore un combat d’actualité dans la France d’aujourd’hui), où une femme ne peut ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son mari (il faudra attendre 1965 en France pour lever cette interdiction), où l’avortement est interdit. Autant de sujets qui deviennent ses combats et elle réussit, enfin avocate, par sa parfaite connaissance du droit, par la pertinence et l’intelligence de ses plaidoiries, par son opiniâtreté, à faire bouger les lignes. Les femmes américaines savent ce qu’elles lui doivent aujourd’hui. Et les hommes aussi car elle a défendu un veuf qui élevait ses enfants et auquel on refusait une allocation réservée aux mères. Le combat pour l’égalité de traitement et la non-discrimination des êtres humains en raison de leur sexe ou de leur race a animé toute sa vie.
Nommée en 1993 juge à la Cour suprême par Bill Clinton, elle est la deuxième femme à occuper cette prestigieuse fonction. Là, aux premières loges, elle ne désarme pas et par sa diplomatie et son intelligence elle arrive à obtenir des résultats significatifs d’une Cour en majorité conservatrice. Elle est aujourd’hui le symbole de la lutte anti-Trump et sa notoriété est telle que les américains l’ont surnommée « Notorious RBG » en référence au rappeur Notorious BIG. Des mugs, des tee-shirts sont à son effigie et certaines se font même tatouer son visage sur le corps ! Un populaire show télévisé lui est consacré où elle est présentée en juge impitoyable, ce qui la fait beaucoup rire.
Ce documentaire, même s’il est de facture classique, est enthousiasmant et émouvant. Il laisse sa part à son mari, Marty Ginsburg, avocat fiscaliste brillant, drôle et très sociable, qui a mis sa propre carrière en veilleuse au bénéfice de celle de sa femme, et qui parlait avec tendresse et humour de la mère de ses deux enfants qui a combattu deux cancers.
Destiné au public qui connaît la dernière actualité, on peut regretter qu’il ne revienne pas sur ses fracassantes déclarations récentes qui ont fait la une des journaux. Mais il nous donne l’image d’une femme d’exception, humaine et attachante, qui pratique encore régulièrement des séances de gymnastique très poussée avec un professeur. Le film se termine sur une Ruth Bader Ginsburg citant Sarah Grimké, abolitionniste et féministe décédée en 1873 : « Je ne réclame aucune faveur pour mon sexe. Juste que mes frères enlèvent leurs pieds de ma nuque. » Phrase encore d’actualité !