Amos Gitaï au Collège de France
Le Collège de France accueille, dans le cadre de sa Chaire de création artistique des représentants de la littérature, de la sculpture, de la musique (par exemple, Philippe Manoury, Alain Mabanckou ou Pierre-Laurent Aimard) ou de l’architecture (Christian Portzamparc). Amos GitaÏ est le premier réalisateur et le deuxième architecte invité sur cette chaire, car il est architecte de formation, pour animer un cycle de neuf conférences commencé le 16 octobre par sa leçon inaugurale et devant se terminer le 11 décembre. « Pour le Collège de France, il s’agit de saluer l’œuvre d’un cinéaste assumant simultanément les positions de veilleur de notre temps et de notre monde, et d’un artiste constamment en quête de réponses formelles pour prendre en charge ces sujets complexes liés notamment à l’identité, au territoire, à la langue et à la religion. »
Le thème choisi par le cinéaste est : Traverser les frontières. « Chez Amos Gitaï, le voyage est inséparable de la frontière. On voyage parce qu’il y a des frontières, de toutes natures et dans tous les états (fermées, ouvertes, poreuses, apparentes, secrètes…). Le voyage est la forme et la frontière est la question. » (Jean-Michel Frodon) Le réalisateur cherche à montrer comment se construit son travail cinématographique tant du point de vue éthique et politique, qu’artistique. Chaque séance est illustrée par des extraits de ses œuvres, spécialement ses courts métrages. « À une époque où nous sommes bombardés d’images, à la télévision ou sur Internet, qu’il s’agisse d’informations ou de programmes de divertissement, et alors que la technologie et l’industrie de production d’images ne cessent de progresser et de se sophistiquer, il importe de rester résolument conscient de l’acte de représentation ; de garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas seulement du « quoi » filmer, c’est-à-dire du contenu de l’image produite, mais du « comment » filmer » écrit-il. Ou encore, « filmer, c’est prendre une série de décisions qui déterminent non seulement ce qui sera inclus dans le cadre mais aussi ce qui n’y sera pas. Cela signifie que nos choix comprennent une part de mise à distance et de marginalisation. La caméra, comme le cinéma, produit un document subjectif. Elle exprime un point de vue particulier.»
Sous le titre « La caméra est une sorte de fétiche », il nous a donné, dans sa leçon inaugurale des éléments de sa biographie, notamment par la projection d’un spectacle à l’Odéon de Jeanne Moreau (2010) lisant les lettres de sa mère qu’il a publiées, tout en posant la question de savoir comment transformer un texte, une idée, en spectacle. Il illustre son propos par la projection d’un extrait de son film « Book of Amos ». Un plan-séquence tourné dans une rue de Tel- Aviv. Des comédiens, hommes et femmes, israéliens et palestiniens, incarnent le prophète Amos et font entendre aujourd’hui ses antiques imprécations contre la corruption et les injustices sociales.
Les autres leçons ont pour thème : Le documentaire comme métaphore, avec la projection d’extraits de House (1980), News from Home News from House (2005) et de Ananas (1984) ; Ce n’est pas moi qui politise mes films, ce sont eux qui m’ont politisé, avec des extraits de Journal de campagne (1982) et de À l’Ouest du Jourdain (2017) ; Représenter la guerre, avec des extraits de Kippour (2000) ; Cinéma et architecture, avec des extraits de Architecture en Israël : conversations avec Amos Gitaï (2012) ; Cinéma et histoire, avec des extraits de Kedma (2002) ; Le cinéma est-il plus autoritaire que la littérature, avec des extraits de Tsili (2004) ; Mythologies et mémoires collectives, avec des extraits de Esther (1985), La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres (2009), et de Golem, l’esprit de l’exil (1991) ; Chronique d’un assassinat qui sera sa dernière leçon le 11 décembre prochain, avec des extraits de Le Dernier jour d’Yitzhak Rabin (2015)..
Ces conférences sont passionnantes. Amos Gitaï nous entraine dans le monde de sa création avec un charme certain, un humour tranquille, dans un style très décontracté qui lui est propre et peu coutumier dans cette institution. Vous pouvez suivre ces conférences, sur place si vous pouvez le mardi de 11 h à 12 h 30, mais également sur le site du Collège de France.
La rencontre humaine et artistique d’un grand cinéaste. A réécouter de toute urgence sur le site du collège de France.
Irène Boisaubert