Les organisateurs du Festival d’Avignon devraient vraiment revoir leur logiciel de réservation. Il n’est que trop prévisible que le top de départ donné un certain jour de juin à 10 h, va engendrer beaucoup de demandes. Comme d’autres amis, j’y ai passé la journée et une partie du lendemain, en vain. J’ai finalement pu avoir une place pour Architecture en passant par un site de réservation et une autre place pour La Maison de thé. en téléphonant quelques jours après. Mais c’est tout, sur les 10 spectacles sélectionnés ! Ce n’est pas admissible et on se demande vraiment comment faire pour avoir des places face à ces difficultés. Certes il y a le off qui ne manque pas de qualités. Mais c’est difficile en ce qui me concerne car d’une part je ne suis pas sur place, et d’autre part les pièces du off se jouant essentiellement dans la journée, je crains trop la chaleur étouffante des rues d’Avignon en cette saison.
Auteur : Pascal Rambert, né en 1962, est un auteur, metteur en scène, réalisateur et chorégraphe français. C’est un auteur très prolifique et il serait beaucoup trop long de donner le détail de ses créations. Disons simplement qu’il est internationalement connu (notamment Japon, Allemagne, États-Unis, Égypte, Espagne ou Danemark). Ses pièces chorégraphiques, dont la dernière Memento Mori, créée en 2013 en collaboration avec Yves Godin, sont présentées dans les principaux festivals ou lieux dédiés à la danse contemporaine : notamment Montpellier, Avignon, Genève, Moscou, Hambourg, Tokyo, New York. Il est l’auteur de plusieurs courts métrages dont certains ont été sélectionnés dans des festivals internationaux comme Locarno, Rome ou Leuven. Il a reçu de nombreuses récompenses pour l’ensemble de son œuvre, notamment le Prix du Syndicat de la critique, le Grand prix de littérature dramatique de 2012 et le Prix de l’auteur pour Clôture de l’amour, le Prix Émile-Augier de l’Académie Française pour Répétition (2015) et le Prix du Théâtre de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre en 2015.
Résumé : Architecture se passe à Vienne entre 1911 et 1930. Un célèbre architecte du vieil empire (Jacques Weber) fait régner la terreur chez lui par son autoritarisme démesuré. Il a castré ses deux fils, un musicien qui bégaie (Denis Podalydès) et un philosophe qui n’arrive pas à vivre son homosexualité (Stanislas Nordey), qui le haïssent. Quant à ses filles, ce n’est guère mieux, une psychiatre sexuellement frustrée (Emmanuelle Béart) et une éthologue névrosée (Anne Brochet) ; elles ont essayé de lui échapper en se mariant l’une avec un journaliste opportuniste, l’autre avec un militaire sans qualité, mais sont profondément malheureuses.
Analyse : le propos de la pièce n’est pas inintéressant. Au travers de cette famille d’intellectuels, l’accent est mis sur l’impuissance des artistes et des intellectuels à peser sur le cours des évènements, à changer le monde, face à une Europe en pleine tragédie. Rambert, dans la lignée du philosophe autrichien puis britannique, Ludwig Wittgenstein (1889-1951), veut mettre en relief l’inanité du langage, sans s’apercevoir qu’il tombe dans le piège qu’il dénonce. Wittgenstein, auteur d’un livre unique, le Tractatus logico-philosophicus, traite du langage, et tente de répondre à la question : « Que peut-on exprimer ? ». Pour lui le sens éthique et esthétique du monde relève de l’indicible et la philosophie, parce qu’elle essaie de montrer les pièges du langage, est condamnée au silence. Dans son ouvrage, parmi les aphorismes principaux qui ponctuent les 7 chapitres, le dernier énonce « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». Pascal Rambert aurait été bien avisé de s’en inspirer. En effet dans cette pièce on assiste à un véritable chaos verbal qui la rend assommante. Pascal Rambert, conscient de la longueur de sa pièce, nous dit avoir envisagé sa pièce « comme une attaque contre l’inattention », pour « tester l’attention de son public » (encore faut-il lui offrir une œuvre qui capte son attention !). Cette famille se déchire quatre heures durant avec une violence inouïe, épuisant la meilleure bonne volonté des spectateurs qui lassés ont déjà quitté en masse la salle avant même l’entracte. Les acteurs, remarquables et qui sauvent un peu la pièce, font, comme dans un concert de jazz, des tirades en solo, souvent incompréhensibles, sans nécessairement de liens entre elles, chacun jouant sa partition ; des tirades lourdes, académiques, déclaratives, pleines de banalités et de clichés, où tout est verbalisé, ce que l’auteur voulait pourtant dénoncer. Ceci d’autant plus qu’au-delà du dixième rang, dans la Cour d’honneur, l’acoustique devient difficile, malgré les haut-parleurs. Placée au dernier rang, certaines tirades m’ont en partie échappées. Mais lorsque la pièce tient la route, cet inconvénient devient mineur ; ce qui n’est malheureusement pas le cas d’Architecture. Quelques moments d’intense émotion cependant, notamment lorsque le remarquable Nordey ose hurler à son père dans de longs aveux, sa terrible solitude. Certains critiques ont évoqué Thomas Bernard, cet imprécateur autrichien, dont l’ombre plane en effet mais dont la comparaison avec la pièce proposée est cruelle pour l’auteur contemporain.
Dans une mise en scène minimaliste où le décor se compose de quelques chaises et tables sur une surface d’un blanc immaculé, comme les costumes en première partie qui deviennent sombres dans la seconde, on assiste à des danses de la famille réunie, sans qu’on en comprenne le sens ou l’utilité. De même la présence en seconde partie d’un cheval maladroitement guidé, qui fait un petit tour, s’allonge, puis disparaît !! Pourquoi ? quel sens ?