Auteur : Rodolphe Marconi, né en 1976 à Angoulème, est un réalisateur et scénariste français. Il s’est initié au cinéma en découvrant l’œuvre de Cassavetes ou de Doillon. Monté à Paris pour être acteur, il décide finalement de réaliser un film court : Stop (1999) et est sélectionné à Cannes. Il présente alors un dossier pour une résidence à la Villa Médicis et réussi le concours. Il y écrit le scénario de son premier long métrage, Défense d’aimer, qu’il réalise en 2002, et tourne en 2001 Ceci est mon corps, avec Jane Birkin, Louis Garrel et Annie Girardot, suivi du Dernier Jour (2004), avec Nicole Garcia et Gaspard Ulliel. Lagerfeld confidentiel a vu le jour avec grand succès en 2008. Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes sort sur les écrans en 2020.
Résumé : Rodolphe Marconi s’immerge pendant quatre mois dans une petite ferme en Auvergne pour filmer au plus près la vie de Cyrille, éleveur de 20 vaches, dans son quotidien et avec ses difficultés.
Analyse : Le mal des agriculteurs, des laitiers en particulier, fait régulièrement la une des journaux, des télévisions, car ils relatent leurs grandes difficultés financières et le taux anormalement élevé de suicides dans la profession. Rodolphe Marconi s’est emparé de ce sujet d’une manière très personnelle. Après avoir rencontré Cyrille sur une plage et s’être étonné de ce qu’il ne savait pas nager, il a écouté ce jeune homme de 30 ans lui confier son histoire de petit éleveur dans un petit village d’Auvergne, qui prenait des vacances pour la première fois de sa vie. Touché par sa situation, le réalisateur sans idée préconçue a décidé de lui consacrer un documentaire, s’immergeant pendant quatre mois dans l’univers de l’agriculteur. Marconi a l’habileté de nous faire entrer doucement dans la vie de Cyrille. Les jours se suivent et se ressemblent. Lever à 6 heures du matin, coucher à minuit ou plus, avec comme seule compagnie ses vaches qu’il connait pour certaines depuis son enfance, qu’il appelle par leur prénom, ses seules interlocutrices muettes. La traite, les soins et le repas des bêtes, la confection du beurre, le nettoyage des étables, l’entretien du matériel, la boue, le purin, l’inconfort. Du lundi au dimanche, jour fériés compris. Seuls les extras qu’il fait dans un restaurant du village lui permettent d’échanger avec d’autres humains, et un ami auquel il peut se confier. Solitude d’autant plus dramatique que Cyrille est homosexuel, ce qui dans les campagnes n’est pas nécessairement compris et facile à vivre. Puis progressivement, par une présence tranquille et émouvante, Cyrille confie à la caméra ses peines, ses difficultés, ses espoirs, sa solitude (« Certains jours, je ne parle qu’à mes vaches ou à mon chien »). Il ne parvient pas à s’octroyer un salaire, il a perdu beaucoup de vaches qu’il venait d’acheter, les dettes s’accumulent et l’on voit venir, inéluctable, le redressement judiciaire qui ne redressera rien du tout et au bout, la liquidation. Une progression dramatique qui nous familiarise avec un Cyrille tendre et attachant, paradoxalement serein, sans colère ni amertume face à l’adversité, à la pression des huissiers, qui vit dans le souvenir d’une mère aimante récemment morte, avec un père taiseux qui ne sait que lui adresser des reproches. Il ne peut, à certains moments, retenir ses larmes. On a alors envie de le consoler, de l’aider, de lui procurer les quelques 260 000 € qui lui manquent. Ceci grâce au regard de Marconi tellement chaleureux et humain, qui avec sensibilité réussit à nous communiquer la tendresse qu’il a pour Cyrille, tellement fragile et émouvant.
Ce n’est pas le premier film sur les problèmes des agriculteurs, qui tous ont eu grand succès. Le documentaire de marconi est dans la lignée de Petit paysan d’Hubert Charuel (2017), qui a réuni plusieurs millions de spectateurs, ou d’Au nom de la terre, d’Edouard Bergeon (2019), environ 2 millions de spectateurs, mais dans un style très différent. C’est un documentaire intimiste, poignant, juste et maîtrisé, auquel on souhaite également grand succès.