Brooklyn Secret

Auteur : Isabel Sandoval, née en 1982, est une réalisatrice, actrice et scénariste philippine. Elle vit aux États-Unis. Sous le nom de Vincent Sandoval elle a réalisé deux précédents films, Señorita (2011) et Apparition (2013, Prix du public au Festival Deauville Asia 2013. Brooklyn Secret (2019) a obtenu le Grand Prix lors de la 25e édition de Chéries-Chéris, festival international de films LGTBQ de Paris.

Interprètes : Isabel Sandovla (Olivia), Eamon Farren (Alex), Lynn Cohen (Olga).

Résumé : Olivia travaille comme aide à domicile auprès d’Olga, une grand -mère russe ashkénaze de Brighton Beach à Brooklyn. Fragilisée par sa situation d’immigrante philippine, elle paie secrètement un Américain pour organiser un mariage blanc. Alors que celui-ci se rétracte, elle rencontre Alex, le petit fils d’Olga, qui est attiré par elle.

Analyse : Les mots qui viennent à l’esprit pour parler de ce film sont délicatesse, sensualité, douceur. Pourtant le sujet est grave : la situation d’une immigrée sans papiers transsexuelle à l’ère de Trump. Isabel Sandoval, la réalisatrice tient le rôle principal et c’est un peu de son histoire qu’elle nous raconte. Sans être autobiographique, c’est un autoportrait, comme elle le précise. Ayant vécu la situation d’immigrée, comme Olivia, elle réalise un film très authentique et d’une grande sensibilité. C’est un premier film depuis sa transition et c’est un film rare par la qualité de son auteur. Il n’est pas fréquent qu’un film soit réalisé et interprété par une transsexuelle. Olivia a une personnalité attachante. Elle est sensuelle et douce avec un caractère bien trempé. Elle sait ce qu’elle veut, assume ses désirs, fait face avec courage et détermination aux difficultés de son quotidien, mais sans aucune illusion. Un quotidien pourtant particulièrement difficile et précaire. Trans genre et étrangère elle subit une double peine et vit une tension de tous les instants. Avec une grande justesse de ton la réalisatrice montre finement comment Olivia, sans papiers en règle, vit dans la peur permanente de subir un contrôle d’identité et d’être reconduite à la frontière, comme certaines de ses amies. Elle est tétanisée, sort très peu et, comme beaucoup de femmes dans sa situation, cherche à contracter un mariage blanc avec un américain moyennant finances, business très répandu parait-il. Elle occupe pourtant un poste généralement dévolu aux étrangères compte tenu des conditions de rémunération et d’exercice de ce genre de métier. Métier qu’Olivia remplit avec beaucoup de douceur et d’humanité. Elle connait parfaitement Olga, cette vielle babouchka attachante, sait bien l’apaiser dans ses crises d’amnésie qui sont une métaphore de l’Amérique actuelle oublieuse de son passé d’immigrés. Lorsque de manière inattendue un amour véritable se présente en la personne d’Alex, petit-fils d’Olga, avec grandeur d’âme elle refuse, l’amour n’est pas une aumône. Un film politique et intime, sensible et attachant.

En filmant Olivia/Sandoval comme elle le fait la réalisatrice se montre sûre d’elle-même, maitresse de sa vie et de son talent. Elle vit aujourd’hui dans le quartier de Brighton Beach, théâtre du film, dans cette Little Odessa immortalisée par James Gray.    

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