Auteur : Agnès Varda (1928-2019) est née en Belgique. En 1940 ses parents quittent la Belgique bombardée pour rejoindre Sète, où elle passe son adolescence, avant de monter à la capitale où, étudiante à l’École du Louvre, elle obtient un CAP de photographie. Se faisant connaître grâce à ses clichés de Gérard Philipe ou Maria Casarès, elle réalise son premier long métrage, La Pointe courte (1954), monté par le jeune Resnais. Le succès public suivra en 1961 avec Cléo de 5 à 7 puis Le Bonheur, prix Delluc en 1965. Elle passe du court au long métrage, du documentaire à la fiction. En 1967 elle suit son mari, Jacques Demy, aux États-Unis. Elle y rencontre de nombreux artistes (Andy Warhol, Jim Morrison) et continue de tourner documentaires et dictions. Plusieurs de ses réalisations témoignent de sa sensibilité aux problèmes de son époque et particulièrement aux problèmes des femmes. Elle a su se faire, au fil des ans, une place à part dans le cinéma français, au point de se voir confier le redoutable honneur de tourner le film-hommage au 7e art centenaire, Les Cent et une nuit. Auréolée d’un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2001, elle s’essaie ensuite à l’art contemporain à travers expositions et installations, notamment avec JR. Elle qui a passé sa vie à raconter la vie des autres réalise en 2008 un émouvant autoportrait, Les Plages d’Agnès, chaleureusement accueilli à Venise.
Interprètes : Sandrine Bonnaire (Mona), Macha Méril (la platanologue), Stéphane Freiss (Jean-Pierre), Yolande Moreau (la bonne).
Résumé : Une jeune fille errante est trouvée morte de froid. Que pouvait-on savoir d’elle et comment ont réagi ceux qui ont croisé sa route ? C’est le sujet du film. La caméra s’attache à Mona, racontant les deux derniers mois de son errance. Elle traîne. Installe sa tente près d’un garage ou d’un cimetière et marche, marche, jusqu’au bout de ses forces.
Analyse : Dans cette période si funeste pour le cinéma, et à quelques heures de la décision du Conseil d’État sur la légalité de la fermeture des lieux de culture, j’ai voulu reprendre la plume comme pour forcer le sort.
Sans toit ni loi reste le plus grand succès commercial d’Agnès Varda qui a obtenu le Lion d’or à la Mostra de Venise en 1985. Un film à petit budget (mais pas un petit film !) avec un scénario qui s’est construit tout au long du tournage. Varda a voulu aller à la rencontre des marginaux, sans idée préconçue, sans préjugés, sans même essayer de comprendre le personnage de Mona, ni a fortiori le juger. Ce film est l’histoire d’une errance, celle d’une femme réellement rencontrée par la cinéaste au cours de ses recherches. Un sujet qui l’attire car jeune fille elle est partie sur les routes, a voyagé, pour atterrir finalement en Corse comme remailleuse de filets. Elle aurait pu être cette Mona dont on ne sait pas grand-chose. Qui est-elle ? pourquoi voyage-t-telle ? que fuit-elle ? la routine ? le système ? la société ? elle-même ? C’est une rebelle qui refuse toutes les contraintes, ce qui est indiqué dans le titre qui rappelle la devise anarchiste « sans foi ni loi ». Les jugements portés sur elle nous donnent, en creux, l’image d’une société fermée, hostile aux étrangers, à ceux qui ne sont pas comme tout le monde. Un des paysans, qui ne l’a jamais rencontrée, la juge sans concession : « C’est peut-être une criminelle en fuite, une malade mentale ou une droguée ». Un film féministe également. Une femme seule est une proie, un objet de désir des hommes. Mona qui couche dans sa tente sur les routes est constamment en danger et finit d’ailleurs par se faire agresser, sans que la cinéaste veuille s’attarder sur le viol. Mais elle ne laisse aucun doute sur la lente descente aux enfers de l’héroïne dont elle montre l’indigence, la crasse, nous faisant presque sentir sa puanteur.
Si le sujet est échevelé, le film est en revanche parfaitement construit. Les premières images montrent la mort par le froid de Mona dans un fossé. Le récit est une remontée des derniers mois de la jeune fille à travers les témoignages de ceux qui l’ont croisée ou entendu parler d’elle, et la reconstitution de son parcours chaotique, avec ses manques, et le désir de toujours avancer. Il s’articule autour de douze travellings, à contresens (de la droite vers la gauche), où l’on voit Mona marcher seule. Chaque travelling se termine sur un objet qui débutera le suivant, comme si l’errance était continue.
La force du film tient également par le jeu exceptionnel de la jeune Sandrine Bonnaire, 17 ans, qui n’a pas été ménagée pendant le tournage pour être au plus près de la vérité du personnage. Le choix de la musique classique de la compositrice polonaise Joanna Bruzdowicz donne plus de force encore à la solitude de Mona.
Un film résolument moderne, qui n’a pas pris une ride, qui nous parle de problèmes d’aujourd’hui, les sans-abris, les marginaux, la condition des femmes, l’écologie (avec la présence d’une platanologue qui veut sauver les platanes). Un film à revoir.
Merci Marie-Jeanne de tenir bon en ces temps chaotiques montrant que la consommation est plus considérée que la culture ! Ce film est magnifique et Agnès Varda une grande dame du cinéma. Nous te souhaitons de belles fêtes et à demain pour champ/contrechamp. Avec toute notre amitié,
Dominique Besnard
MERCI MARIE JEANNE, oui ce film est à voir et à revoir et Je vous invite à suivre ce lien Dulac Cinémas cinéma indépendant : http://www.lesecransdeparis.fr/cinema/2950/reflet-medicis/article/92792/le-guide-de-survie-du-cinephile-confine. LISEZ ATTENTIVEMENT vous pourrez bénéficier de 3 mois d’abonnement gratuit à la plateforme MUBI qui a JUSTEMENT sélectionné des œuvres d’AGNES VARDA dont SANS TOI NI LOI.
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Hélène Fallard