143 rue du désert

Auteur : Hassen Ferhani est né à Alger en 1986. De 2003 à 2008, il co-anime le ciné-club de l’association Chrysalide à Alger. En 2006, il réalise son premier film, un court métrage de fiction, Les Baies d’Alger, sélectionné en compétition officielle par plusieurs festivals internationaux. En 2008, il participe à l’Université́ d’été de la FEMIS et réalise, dans ce cadre, un court documentaire Le vol du 140. Il coréalise en 2010, un film documentaire, Afric Hotel. Tarzan, Don Quichotte et Nous, réalisé́ en 2013, présenté́ à Visions du Réel et au FID Marseille ainsi que dans plusieurs festivals internationaux. Dans ma tête un rond-point, son premier long métrage, plusieurs fois primé, est sorti en février 2016. En 2019, le jury du Festival international du film de Locarno décerne le Léopard du Meilleur Réalisateur émergent à 143 rue du désert dans la Compétition Cinéaste du présent.

Analyse : Dans ce beau documentaire où il ne se passe rien et tout, où la lenteur assumée donne tout son sens à « l’action », le jeune réalisateur algérien Hassen Ferhani dresse le magnifique portrait de Malika « reine » de son prénom, qui règne sur quatre murs de béton couverts de zinc qui abritent une table, deux chaises, perdus au milieu de nulle part, dans les dunes du désert, sur le côté de la piste, près de la nationale 1 qui traverse le Sahara, à 60 kilomètres au sud d’El Menia, sur le chemin de Tamanrasset. Malika tient buvette où s’arrêtent quelques routards, motards, camionneurs, musiciens, imans de retour de La Mecque. Une population bigarrée qui nous en dit long sur l’Algérie d’aujourd’hui, même si la caméra sort rarement de la pièce où trône Malika, sur sa chaise plastique fatiguée face à la porte d’entrée, sauf pour faire le tour de ce royaume. On comprend la précarité, le chômage des pauvres gens et par la bouche de Malika la corruption des politiques. Personnage haut en couleur elle a des idées bien arrêtées sur la vie, la religion dont elle n’apprécie pas les manifestations même si elle est croyante. Elle n’a peur de rien, femme seule dans cette baraque, comme elle le dit à un visiteur qui lui pose la question, elle sait très bien se protéger toute seule. Elle vit entre son chien et son petit chat qui semblent suffire à son bonheur. Elle est intelligente en diable, comprend très bien que ce client qui lui dit rechercher son frère depuis des années, ment. Alors elle sui sert une histoire horrible, question de se moquer de lui. Elle ne manque pas d’humour non plus. Une scène hilarante quand avec un client qui se pose derrière une fenêtre à barreau, elle joue sa mère qui vient le visiter en prison. Elle parle beaucoup, commente tout mais se livre peu. On comprend qu’elle est fâchée avec sa famille mais au détour d’une phrase on comprendra qu’elle cache un terrible secret.

Le réalisateur a découvert par hasard cette cahute et a décidé d’y planter sa caméra. Il est tellement intégré au paysage que les clients s’adressent directement à lui. Il laisse parler les lieux, les visiteurs, nous imprégnant de cette atmosphère peu banale. L’essentiel des plans est sur Malika, odalisque enrubannée, imposante, gardienne d’un petit royaume de sable menacé par la création d’une grande station-service en face de chez elle. Le chant berbère de Taos Amrouche, poétesse kabyle, ouvre et clôt un film d’une grande beauté sur un portrait de femme qui vit en plein désert.  

Laisser un commentaire