Dans le Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence, car il n’aime pas jouer en plein air, Grigory Sokolov a d’abord interprété quatre polonaises de Chopin : Deux Polonaises opus 26, Polonaise en fa dièse mineur opus 44 puis Polonaise en la bémol majeur opus 53 « Héroïque ». Après avoir fait intervenir l’accordeur il a enchainé sur Préludes opus 23 (10 préludes) de Rachmaninov.
Grigory Sokolov a un parcours assez extraordinaire. Né à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) en 1950, il débute le piano à 5 ans avec Lyia Zelikhman au Conservatoire de sa ville natale. A 12 ans il donne son premier récital à Leningrad. À 15 ans il gagne le premier prix du Concours national russe, et l’année suivante, à 16 ans il est le plus jeune musicien de tous les temps à remporter la médaille d’or du fameux Concours Tchaïkovski de Moscou ! Effectuant dans les années 70 de grandes tournées en Europe et au Japon, il s’éloigne un temps de la scène pour faire évoluer son art, choisissant de se consacrer au tête-à-tête exigeant avec le piano. Ce n’est qu’après la chute de l’Union soviétique qu’il fait son entrée sur les plus grandes salles et les prestigieux festivals du monde entier : jouant notamment avec le Philharmonique de New York, de Munich, l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam, le Philharmonique de Londres. Puis il décide de se consacrer uniquement au récital. Il donne environ soixante-dix concerts par saison. Il a une profonde connaissance d’un vaste répertoire qui balaie toute l’histoire de la musique, depuis les transcriptions de polyphonie sacrée du Moyen Âge et des pièces pour clavier de Byrd, Couperin, Rameau, Froberger jusqu’aux compositions du XXe siècle en passant par Bach, Beethoven, Schubert, Schumann, Chopin, Brahms, Ravel, Scriabine, Rachmaninov, Prokofiev, Schönberg et Stravinsky.
À la différence de nombreux pianistes Sokolov s’intéresse de très près aux mécanismes et au fonctionnement des instruments sur lesquels il joue, passant parfois des heures à explorer leurs caractéristiques, s’entretenant longuement avant le concert avec l’accordeur afin qu’il fasse un réglage conforme à ses exigences. « Il faut des heures pour comprendre un instrument parce que chacun a sa propre personnalité, et on joue ensemble » explique-t-il. Signant en 2014 un contrat d’exclusivité avec Deutsche Grammophon, Grigory Sokolov a fait paraître en janvier 2015 un album exceptionnel – un double CD correspondant à l’enregistrement live d’un inoubliable récital donné en 2008 au Festival de Salzbourg et comportant deux Sonates de Mozart, les Vingt-quatre Préludes de Chopin, et des pièces de Bach, Rameau et Scriabine -, suivi en janvier 2016 d’un double album Schubert/Beethoven, et en 2017 d’un disque présentant des enregistrements uniques de concertos de Mozart et de Rachmaninov. Un documentaire traçant un remarquable portrait du Maestro est par ailleurs sorti en DVD, qui a été réalisé en 2002 par Bruno Monsaingeon à l’occasion d’un récital au Théâtre des Champs-Élysées.
Il est incontestablement mon interprète préféré. Son jeu intense, poétique, sincère et captivant permet d’appréhender les œuvres avec ravissement. Au-delà du côté brillant et virtuose il fait, mieux que quiconque, pénétrer le mystère de la musique car il est totalement la musique. Comme d’habitude le public debout l’a longuement ovationné.
Avec sa générosité habituelle et son goût du partage de la musique, il nous a gratifié de six bis :
Brahms : Pièce pour piano en la majeur opus 118 n°2, Intermezzo
Scriabine : Prélude opus 11 n°4 en mi mineur
Bach : Ich Ru’ zu dir, Hee Jesu Christ, BWV 639
Chopin : Mazurka en la mineur opus 68 n°2
Brahms : Pièce pour piano opus 118 n°3, en sol mineur
Chopin : Prélude en mi mineur op. 28 n°4, Largo