Ariaferma

Auteur : Leonardo Di Costanzo, né en 1958 à Ischia, est un scénariste, directeur de la photographie et réalisateur italien. Il est surtout connu pour ses documentaires (Un cas d’école 2003 ou Cadenza d’ingano, 2011)Ariaferma est son troisième long métrage réalisé seul, après L’intervallo (2013) et L’intrusa (2017). Ariaferma a été récompensé de deux prix à la cérémonie des David Di Donatello 2022 : meilleur acteur pour Silvio Orlando et meilleur scénario original pour le cinéaste et ses deux coscénaristes Bruno Oliviero et Valia Santella.

Interprètes : Toni Servillo (Gaetano Gargiuolo) ; Silvio Orlando (Carmine Lagiola) ; Fabrizio Ferracane (Franco Coletti).

Résumé : Perdue au creux des montagnes sardes, une prison vétuste est en cours de démantèlement quand le transfert de douze détenus est soudainement suspendu pour des questions administratives. Gargiulo, le surveillant le plus expérimenté, est alors chargé de faire fonctionner la prison quelques jours encore, en équipe réduite. Une improbable cohabitation se met en place entre détenus et surveillants.

Analyse : L’italien Leonardo di Costanzo réalise un film qui est une utopie réjouissante pour l’esprit. Dans ce huit clos d’une prison désaffectée ou les quelques prisonniers restant sont bien plus nombreux que les surveillants, la tension palpable tout au long du film cache en réalité un microcosme où les verrous vont progressivement céder au bénéfice d’une solidarité, d’une humanité réconfortante. Ils sont tous rassemblés dans la petite partie utilisable de l’établissement voué à la destruction, sorte de panoptique tel que Jeremy Bentham et son frère Samuel avaient pu l’imaginer à la fin du XVIIIᵉ siècle. Les prisonniers ont un contact plus facile avec les surveillants rassemblés au centre de la rotonde de plein pied avec leurs cellules. Ils peuvent également mieux communiquer entre eux et se connaissent bien. Cette situation géographique va favoriser les évènements qui vont peupler ce temps incertain dans l’espoir d’un transfert. Dans cette attente sans horizon (dans un mois dans un an …) ils ne peuvent recevoir de visite, n’ont plus d’activité et doivent se contenter de la nourriture en barquettes apportée de l’extérieur dont ils se plaignent amèrement. Une révolte éclate et c’est le début de la fissure. Un prisonnier, mafieux notoire se propose de faire la cuisine pour tout le monde. Demande peu ordinaire. Il faut remettre en fonction la cuisine désormais au règne des fourmis. Et puis ce détenu, Lagiola, est malin, inquiétant sous son apparente bonhomie (magnifique Silvio Orlando). Que mijote-t-il ? Malgré l’avis contraire de certains de ses collègues, Gargiulo (tout aussi magnifique Toni Servillo au jeu très épuré) qui est directeur provisoire de cette prison décide d’accéder à sa demande et de le surveiller personnellement. Un contact dans une cuisine qui malgré les raideurs du surveillant, ses moments de colère, sa méfiance et la tension palpable, va faire naître une communication entre deux hommes issus du même milieu social. On tremble lorsque le surveillant ouvre l’armoire aux couteaux, mais rien ne se passe comme l’on craint. On perçoit alors l’impensable, la possibilité d’une parenthèse où se développe entre gardien et détenu une empathie, une rencontre, presque une compréhension mutuelle. Une scène magistrale où à l’occasion d’une panne de courant les détenus sont autorisés à réunir leurs tables pour le diner au centre de la rotonde. À la lueur des torches ils invitent les surveillants à partager leur repas. Moment exceptionnel qui gomme toutes des hiérarchies, les différences, dans une symbolique forte : le repas partagé qui n’est pas sans faire penser à la Cène. De cet enfermement réciproque se dégage une humanité, une reconnaissance de l’autre, mon semblable. Les hasards de la vie les ont mis à la place qui est la leur. C’est ce qu’exprime Lagiola au cours d’une autre scène importante où il est avec Gargiulo dans le jardin sauvage de la prison pour cueillir des herbes et où ils parlent un peu d’eux-mêmes : « J’ai eu honte de dire à mon frère que mon surveillant était le fils du laitier ». 

La mise en scène sobre, subtile, suscite l’émotion sans tomber dans le pathos. Alors que rien ne se passe le réalisateur maintient un suspens qui débouche sur une belle leçon d’humanité.

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