Annie Colère

Autrice : Blandine Lenoir née en 1973 est une actrice réalisatrice, et scénariste française. Elle a une grande carrière d’actrice tant pour le cinéma que pour la télévision. Elle a joué sous la direction notamment de Gaspar Noé, de Sylvie Verheyde ou de Solveig Anspach. Elle a réalisé plusieurs courts métrages qui ont obtenu de nombreuses récompenses notamment pour Avec Marinette (2000), Dans tes rêves (2004) ou L’Amérique de la femme (2014). Elle a réalisé trois longs, dans lesquels elle s’intéresse au sort réservé au corps des femmes, Zouzou (2014), Aurore (2017) et Annie Colère.

Interprètes : Laure Calamy (Annie), Zita Hanrot (une infirmière bénévole), India Hair (une patiente) ; Rosemary Standley (une bénévole chanteuse).

Résumé : 1974. Annie, ouvrière et mère de deux enfants, se retrouve enceinte accidentellement. Elle découvre le MLAC – Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception – qui pratique des avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement unique, fondé sur l’aide concrète aux femmes et le partage des savoirs, elle va trouver auprès de ces femmes un nouveau sens à sa vie

Analyse : Contrairement au film d’Audrey Diwan, l’Évènement, adaptation de l’ouvrage autobiographique d’Annie Ernaux où la romancière évoquait l’avortement clandestin qu’elle avait subi dans la France des années 1960, film dur et angoissant, Blandine Lenoir traite de l’avortement sur un mode beaucoup plus apaisé, contrairement à ce que laisserait entendre le titre. Un film sensible, généreux, poignant, plein de pudeur et d’émotion, qui nous fait comprendre combien était grande la détresse de ces femmes, de ces jeunes filles, qui ne voulaient pas d’un enfant non désiré et qui grâce à la bienveillance, la solidarité de femmes et d’hommes, ont pris progressivement conscience que leur corps leur appartient ; qu’elles ne seront forcées par personne de porter un enfant dont elles ne veulent pas ; qu’elles ne sont plus seules ; qu’elles ne seront ni jugées ni traitées de « putes » comme certains ne s’en privaient pas, et surtout qu’elles ne risqueront plus leur vie comme des centaines de femmes chaque année en pratiquant un avortement avant la loi Veil. Un film lumineux porté par de magnifiques actrices, Laure Calamy en tête, qui ont su recréer cette atmosphère pleine de tendresse et de chaleur des accueils du MLAC (« c’est politique la tendresse »), cette merveilleuse sororité qui en a sauvé plus d’une. En poussant la porte du MLAC Annie ne s’attendait pas à recevoir autant d’écoute et d’amour, ne s’attendait pas non plus à recevoir une aide aussi rapide et gratuite pour un avortement pratiqué avec la complicité d’un médecin, sans aiguilles à tricoter ni cintres. Une rencontre qui va bouleverser sa vie ; elle se métamorphose, prend conscience qu’une autre relation est possible dans son statut d’épouse et de mère de famille. 

Aidée par la thèse d’une chercheuse de plus de 800 pages sur le MLAC la réalisatrice est restée au plus près de l’action de cette association créée en 1973 qui dix-huit mois durant avant sa disparition (la loi Veil date du 17 janvier 1975) a pratiqué des centaines d’avortement selon une méthode simple, rapide et sans aucun risque, la méthode Karman importée des États-Unis en France par Irène et Pierre Jouannet. Les avortements avaient lieu dans d’arrières boutiques, dans des appartements, notamment celui de Delphine Seyrig qui apparait dans un extrait de l’émission Les dossiers de l’écran tenir magistralement tête à un parterre d’hommes. Ces avortements illégaux n’avaient au moment du MLAC plus rien de clandestin ; ils se pratiquaient en toute illégalité, avec la complicité de fait d’un gouvernement qui s’est bien gardé d’arrêter ces centaines de femmes qui faisaient la queue devant les antennes de l’association et qui pourtant étaient passibles de la cour d’assises et de prison. Un magnifique hommage à ces militantes bénévoles mais également aux hommes qui les ont accompagnées, médecins ou infirmiers. Un film attachant qui résonne dans une actualité où le droit à l’avortement est menacé (Pologne, Hongrie, États-Unis), tandis qu’on le pensait fermement acquis.

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