Tirailleurs

Auteur : Mathieu Vadepied, né en 1963 est un directeur de la photographie, réalisateur et scénariste français. Après un CAP de photographe, il travaille comme assistant de photographes de mode, puis avec Raymond Depardon. Entre 1991 et 1995, il réalise une dizaine de clips vidéo. En 1995, Il travaille comme directeur de la photo sur Samba Traoré d’Idrissa Ouedraogo et Sur mes lèvres de Jacques Audiard. En 1996, il entame une collaboration avec Xavier Durringer comme directeur de la photo sur deux de ses films, J’irai au paradis car l’enfer est ici (1997) et Les Vilains (1999). En 2003, il tourne Le Souffle et, en 2005, Mille Soleils, deux courts-métrages de fiction. En 2021 il participe à la série En thérapie. Il réalise son premier long métrage en 2014, La Vie en grand. Tirailleurs, son second long, a fait l’ouverture de la sélection Un certain regard à Cannes 2022.

Interprètes : Omar Sy (Bakary Diallo) ; Alassane Diong (Thierno) ; Jonas Bloquet (lieutenant Chambreau).

Résumé : 1917. Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. 

Analyse : C’est un film puissant qui reconstitue parfaitement, caméra à l’épaule, avec une superbe photographie, l’atmosphère des tranchées pendant la Grande guerre. Qui nous dévoile surtout un côté sombre de l’histoire de France, très peu évoquée dans les manuels scolaires ou ailleurs : l’enrôlement forcé de ces tirailleurs africains par l’État-major français pour les transformer en chair à canon, et qu’il présentait comme des volontaires partis dans l’enthousiasme, la fleur au fusil, défendre la blanche patrie. Le film commence d’ailleurs par ces rafles violentes dans la brousse africaine de tout homme en âge de combattre. 200 000 sont partis, 30 000 ne sont pas revenus. Le film aborde également l’attitude de ces pauvres « appelés », totalement dépaysés dans la boue des tranchées et l’hostilité du froid. Ils ne se comprennent pas tous, venant de différents pays de l’Afrique occidentale et centrale française de l’époque et parlant des dialectes très différents ; les  principaux protagonistes du film utilisent la langue peule. Certains tentent de survivre en pratiquant le vol, le racket, des trafics en tout genre, éblouis par l’argent qu’ils pourront éventuellement tirer des circonstances, exploitant notamment, avec l’aide de petits gradés français, ceux qui veulent déserter, des passeurs avant l’heure. Ce n’est donc pas un film manichéen, les méchants coloniaux d’un côté, les gentils africains de l’autre. Le film évoque également ceux qui, sensibles au conditionnement de l’armée, veulent s’intégrer, comme le fils de Bakary, Thierno qui accepte le grade de caporal avec la fallacieuse promesse de l’État français d’obtenir la nationalité française et d’être intégré, une promesse de plus non tenue. L’ambition du film est donc grande. Elle serait toutefois complètement remplie si le film n’était pas affaibli par l’histoire de la relation père-fils (Bakary-Thierno), qui n’a pas grand intérêt et l’éloigne des autres sujets importants abordés. C’est dommage car en plus de la très belle interprétation, particulièrement d’Omar Sy, il reste un film historique de guerre poignant qui avec des images réalistes et brutales relate une aventure humaine trop méconnue et répare l’injustice de l’oubli.

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