Auteur : Né en 1979 à Lisbonne, João Pedro Plàcido est chef opérateur image pour le cinéma. Il a contribué à de nombreux documentaires dont Li Ké Terra de Filipa Reis, Joao Miller et Nuno Baptista (Meilleur Long et Moyen métrage Portugais, sélection Cinéma du réel 2011) et Via de Acesso de Nathalie Mansoux (Prix du meilleur long-métrage national, Lisbonne) ainsi que des courts et moyens métrages de fiction comme As Regras de Atracçao de Jorge Cramez (Prix révélation « Ribeiro da fonte » de l’Institut Portugais Arts et Spectacles). Volta à terra, son premier long métrage documentaire en collaboration avec Laurence Ferreira Barbosa, a été présenté à Cannes dans la sélection ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) en 2015 et a obtenu le prix du meilleur documentaire au Chicago international film festival et au Doclisboa’14.
Résumé : Daniel est un jeune agriculteur qui vit à Uz, un hameau de la montagne du nord du Portugal, en grande partie déserté par ses habitants partis chercher une vie meilleure dans des capitales européennes. Entre ses travaux des champs et l’élevage, il songe à son avenir affectif. Mais quelle femme voudra aller vivre à Uz à ses côtés ?
Analyse : Le jeune réalisateur portugais a ses racines dans ce village. Ses parents ont émigré à Lisbonne mais il n’a pas oublié ses origines paysannes ; il est parti pendant toute une année filmer la vie des quelques habitants qui restent sur les terres de ce hameau de montagne.
L’histoire qu’il nous montre, autant qu’il nous la raconte, semble être celle d’un monde disparu ou du moins en voie de disparition, comme si le temps était resté suspendu. Certes la présence du tracteur, de la télévision, du téléphone portable sont autant d’indices, parfois inquiétants, de la modernité qui a pénétré jusqu’en ces contrées. Mais ces détails oubliés, on s’imaginerait parfaitement dans la Corrèze des années 50 de Pierre Bergounioux, ou au fin fond d’un village de la montagne corse à la même époque. Le fauchage du seigle à la main, la conduite au pâturage de la dizaine de vaches, connues chacune par son prénom, comme autant de membres de la famille, les repas autour de la table commune rassemblant trois générations, semblent défier le temps. Et le discours d’un politique, craché par la télévision, sur les exigences de la « troïka » et la politique de rigueur de l’Union semblent tout simplement venir d’un autre monde dans cet univers où le temps coule rythmé par les travaux propres à chaque saison : l’hiver rude dans ces paysages neigeux où il faut malgré tout conduire les bêtes au pâturage, le printemps où l’on compte l’arrivée des petits veaux et où commencent les semailles et l’épandage du fumier sur des champs encore boueux et peu accueillants, l’été avec l’arrivée des émigrés des villes, des fêtes villageoises et des processions religieuses.
Joao Pedro Plàcido a lui aussi pris le temps de regarder sa campagne, de la filmer avec amour, tendresse et bienveillance et de nous la faire partager au travers d’images d’une saisissante beauté ; que ce soit celles de la montagne baignée de brume, de ces vaches rousses aux cornes en forme de lyre dans le crépuscule d’un jour finissant, de ces paysans à la tâche, ou de ce grand-père aux mains rudes, perclus de rhumatismes et tout tordu pour avoir été trop longtemps courbé. La composition, les couleurs, la lumière de certains plans font immanquablement penser aux Mangeurs de pommes de terre de Van Gogh. Et même si l’on ne peut s’empêcher de craindre pour la pérennité de ce monde, ce remarquable documentaire dégage une énergie vitale tout à fait réjouissante.