Nanni Moretti est un habitué de Cannes. Sélectionné à plusieurs reprises, il a obtenu en 1994 le Prix de la mise en scène pour Journal intime, la Palme d’or en 2001 pour La chambre du fils, le Carrosse d’or de la Quinzaine des réalisateurs pour l’ensemble de son œuvre en 2004 et le prix du jury œcuménique pour Mia Madre en 2015. Il présente cette année Il sol dell’avvenire ou Vers un avenir radieux, ce qui fait penser aux « lendemains qui chantent » chers aux communistes. Et c’est bien de cela dont il s’agit, entre autres, dans ce film qui se situe en 1956, à l’époque de l’invasion soviétique en Hongrie. Il sol dell’avvenire est une expression extraite de ‘Fischia il vento’ (Souffle le vent), qui est un chant partisan italien aussi célèbre que ‘Bella Ciao’. Une métaphore pour avancer contre vents et marées. Nanni Moretti se met une nouvelle fois en scène avec un film foisonnant. Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui veut épouser un sexagénaire, tout semble jouer contre lui ! Le réalisateur, très en forme, rassemble tout ce qui a fait sa marque cinématographique : le stress permanent, la colère, la mélancolie, les interrogations constantes, les tourments personnels qui se mêlent à sa vie professionnelle. Avec toutefois une pointe d’amertume plus évidente. Dans le film de Giovanni, il s’agit de tourner l’arrivée à Rome d’un cirque hongrois. Il est accueilli par Ennio, secrétaire de la cellule du PC local. Pendant leur séjour l’URSS réprime dans le sang l’insurrection hongroise. Le parti communiste italien prendra alors ses distances avec Moscou, le seul en Europe. Mais les nuages s’amoncèlent sur le film. Son producteur français (un Mathieu Almaric excité comme une puce), fait faillite et finit entre deux gendarmes. L’idée d’avoir alors recours à Netflix lui est suggérée. S’en suit un morceau de bravoure avec les représentants de la firme qui tels des automates répètent à chaque phrase que la firme est présente dans 190 pays, tout en s’étonnant de l’absence de « what the fuck » dans le scénario ! Mais ce ne sont pas les seuls nuages. Sa femme productrice (Margherita Buy) veut le quitter et de plus, elle produit un autre film d’un jeune cinéaste. Moretti réalise un film apparemment léger mais profondément politique, un rappel de ce que fût l’histoire du PC italien au moment de la mise au pas de Budapest, ce qui n’est peut-être pas inutile aujourd’hui, avec un hommage à la chanson italienne, dont les morceaux sont chantés en cœur et avec joie par l’équipe du film au final. Un film attendrissant de ce réalisateur qu’on aime tant.
Chère Marie, deux précisions: il sol dell’avvenire c’est beaucoup plus qu’un vers de la chanson des partisans rouges – las Brigate Garibaldi– c’est l’espoir, l’attente du socialisme, comme le témoignent plusieurs chansons autant socialistes qu’anarchiste déjà dépuis la moitié du XIXè (« sulle libere bandiere -splende il sol dell’avvenir » – hymne socialiste des années 1880). Quant à l’envergure de la réflexion de Moretti, faut-il se rappeler de l’octobre 1956 et son impacte sur l’ensemble de la partie de gauche de la société italienne. Moi, qui ai vécu, en tout jeune spectateur, ces semaines – que je rappelle très bien, puisqu’elles ont marqué la construction de ma conscience politique à venir – je me dois de témoigner que l’effort de Moretti est beaucoup plus que celui d’un réalisateur d’un ciné amusant (ce qu’ll est, néammoins): il perce dans le subconscient d’une gauche italienne à la recherche d’un soi-même perdu à jamais.
Ciao
pardo
Grazie caro Pardo pour tes précisions et ton analyse très éclairée
Un abbraccio MJ