Les Filles d’Olfa

Autrice : Kaouther Ben Hania , née en 1977, est une réalisatrice et scénariste tunisienne. Après des études de cinéma, notamment à La Fémis, elle réalise quelques courts métrages puis plusieurs longs primés dans plusieurs festivals. Son film La Belle et la meute a été sélectionné dans Un certain regard à Cannes 2017, a obtenu le prix Lumières 2018 et a été présélectionné aux Oscars (voir la fiche du 21 octobre 2017). Les Filles d’Olfa, son sixième long métrage, a été sélectionné en compétition officielle à Cannes 2023 et y a reçu quatre prix, L’œil d’Or 2023, qui est le prix du documentaire, le Prix de la Citoyenneté, le Prix du Cinéma positif, ainsi qu’une mention du Prix François-Chalais récompensant un film voué aux valeurs du journalisme.

Interprètes : Hend Sabri (Olfa) ; Olfa (elle-même) ; Eya et Tayssir Chikhaoui (elles-même, les deux dernières filles d’Olfa) ; Nour Karoui (une fille ainée d’Olfa) ; Ichraq Matar (l’autre fille ainée d’Olfa) ; Majd Mastoura (les hommes).

Résumé : Olfa est une tunisienne mère de quatre filles. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent pour faire le djihad. Cette histoire a ému toute la Tunisie. Kaouther Ben Hania retrace cet épisode en y mélant de la fiction.

Analyse : Je ne peux revoir Les filles d’Olfa à moins de faire plusieurs kilomètres en voiture, ce que je ne ferai pas. Mais j’ai un souvenir très précis de ce film de la compétition cannoise. Un film intelligent, habile, très bien monté. La cinéaste part d’un fait réel pour en faire un documentaire, mais elle y mêle de la fiction d’abord en faisant appel à des actrices professionnelles pour jouer le rôle des deux absentes et ensuite pour doubler parfois le personnage de la mère. Pour ce voyage dans cette histoire intime elle met en place un dispositif de cinéma particulièrement original. Elle mêle des images d’archives et de plus, elle filme la réalisation du documentaire. Le film dans le film. Mais plus encore, elle inclut la réflexion sur le film dans sa mise en scène à l’image de Close-up d’Abbas Kiarostami, dont elle revendique l’influence. Un exercice d’équilibre parfaitement réussi. La réalisatrice aborde de nombreux sujets, la rébellion des adolescentes cause de choix radicaux, la sororité, mais spécialement, la transmission mère-fille des traumas vécus. Olfa reproduit sur ses filles la violence dont elle a été elle-même victime. Une très belle idée, les rôles masculins sont joués par le même acteur ; à un moment du film ce dernier veut arrêter le tournage quand il doit simuler le viol dont les deux dernières filles d’Olfa ont été victimes de la part de leur père. Mais les deux jeunes filles le ramènent sur le plateau, leur disant combien c’est important pour elles de revivre ces scènes ! Une réflexion sur le jeu des comédien.ne.s. L’actrice qui doit jouer Olfa réfléchit avec celle-ci sur son implication émotive dans son rôle. Un film habile, intelligent, émouvant, intéressant. Du cousu main ! À ne pas rater !

Ne ratez pas non plus Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan, film plus long (3h17), plus complexe, mais très intéressant comme la plupart des films de Ceylan, qui a obtenu le prix d’interprétation féminine pour Merve Dizdar dans le rôle de Nuray (voir mon commentaire du Festival de Cannes 19 mai 2023).

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