Auteur : Cédric Kahn, né en 1966, est un acteur, scénariste, réalisateur français. Il entre dans le monde du cinéma à 21 ans par la voie du montage. En 1989, il signe un premier court métrage en vidéo, Nadir, auquel succèdent plusieurs autres. Il tourne en 1993 son premier long, Bar des rails, sélectionné à Venise. Il tourne ensuite un téléfilm qui sort en salles dans une version longue, sous le titre Trop de Bonheur, Prix Jean-Vigo 1994. Il décroche en 1998 le Delluc pour L’Ennui. Suit Roberto Succo présenté en compétition à Cannes en 2001. Il s’oriente vers le thriller avec Feux rouges (2004). Avec L’Avion il porte à l’écran une bande dessinée. En 2009 il tourne Les Regrets, puis en 2011 Une vie meilleure, et en 2014 Vie Sauvage. La Prière est récompensé par l’Ours d’argent du meilleur acteur à la Berlinale 2018. En 2023, Le Procès Goldman est projeté en ouverture de la Quinzaine des Cinéastes à Cannes.
Interprètes : Arieh Worthalter (Pierre Goldman) ; Arthur Harari (Maître Kiejman); Stéphan Guérin-Tillié (Le president); Nicolas Briançon (Maître Garaud) ; Aurélien Chaussade (L’avocat général) ; Christian mazzuchini (Maître Bartoli) ; Jeremy Lewin (Maître Chouraqui) ; Jerzy Radziwilowicz (le père de Goldman).
Résumé : En avril 1976, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.
Analyse : Ce film ramène plusieurs d’entre nous à une époque où la politique, et depuis quelques temps déjà, avait envahi les universités, où nous préférions aux boites de nuit les nuits blanches à discuter et batailler jusqu’à l’aube en refaisant le monde. Ce film est d’une telle intensité, d’une telle charge émotionnelle qu’on en sort comme assomé.e.s. Certes un film de procès classique qui obéit parfaitement aux règles du genre, mais c’est un monument par le jeu des acteurs, tous excellents, rôles principaux et secondaires, par l’intelligence du scénario et de l’écriture, par la reconstitution de ce qu’ont pu être la personnalité fascinante de Pierre Goldman et l’ambiance des procès d’assise, surtout lorsqu’ils sont politisés. Un film qui n’élude aucune des questions qui agitaient les esprits à l’époque (et qui résonnent aujourd’hui encore), le racisme anti noir, l’antisémitisme, le racisme de la police, ses méthodes parfois discutables. Goldman combattait toutes les formes de racisme et disait rêver d’avoir des « enfants nègres au sang juif ». Un film qui n’impose aucun point de vue, qui montre les ombres et les lumières de ce personnage tellement complexe et fascinant qu’était Goldman. Arieh Worthalter incarne parfaitement le charisme de ce tribun intelligent et hargneux, révolté dans l’âme, qui porte en lui la fameuse « meurtrissure d’(un) être juif » dont les parents ont connu les ghettos de Pologne.
Le réalisateur montre avec subtilité l’antagonisme feutré qui existait entre Goldman et son défenseur Georges Kiejman. Ils avaient pourtant la même origine. Tous deux étaient issus de la diaspora polonaise. Mais tandis que Goldman était un révolutionnaire qui était allé rejoindre la guérilla en Amérique latine, à l’instar de Régis Debray, et avait versé ensuite dans la délinquance, Kiejman était devenu, aux yeux de Goldman, un bourgeois arriviste et un mondain ambitieux, ce qu’il détestait. Il a accepté d’être défendu par lui sous la pression de ses amis, mais était incontrôlable à l’audience, au grand dam de son défenseur.
Un film sec, à la manière d’un documentaire, sobre, concret, dans le huit clos du procès, qui en évite tous les écueils, sans musique, qui ne lâche pas le spectateur. Il a l’habileté de laisser sans réponse la question des limites de la vérité judiciaire : reflète-t-elle la vérité des faits ? Un film passionnant et bouleversant, à voir absolument.