Auteur : Wim Wenders, né en 1945, est un réalisateur, producteur, scénariste et photographe allemand. Il est l’un des représentants majeurs du nouveau cinéma allemand des années 1960-70. Depuis 1996 il est président de l’Académie européenne du cinéma, installée à Berlin. Il vient de recevoir le Prix Lumière qui récompense l’ensemble de sa carrière. C’est pendant un séjour à Paris en 1966-1967 qu’en fréquentant la Cinémathèque française il fonde sa culture cinématographique. Recalé au concours d’entrée à l’IDHEC il rentre en Allemagne où il suit une école de cinéma à Munich. Après l’adaptation des romans L’angoisse du gardien de but au moment du penalty de Peter Handke et La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne il réalise Alice dans les villes (1974). Au fil du temps (1976) reçoit le Prix de la critique internationale à Cannes. L’Ami américain (1977) lui acquiert un début de notoriété au États-Unis. A l’invitation de Francis Ford Coppola il s’y rend et réalise quelques documentaires. Par la suite il réalise L’État des choses (1982) qui reçoit le Lion d’or à la Mostra de Venise. En 1984 Paris, Texas obtient la Palme d’or au festival de Cannes. En 1987 Les Ailes du désir obtient le Prix de la mise en scène au festival du Cannes. Il réalise ensuite une série de documentaires (une douzaine dont Buena Vista Social Club 1999, Pina 2011, Le sel de la Terre 2014). Il a reçu un très grand nombre de récompenses dans les festivals internationaux, et quatre Oscars. Son 25ème long métrage, Perfect Days a obtenu le prix d’interprétation masculine pour Koji Yakusho.
Résumé : Une expérience cinématographique unique qui éclaire l’œuvre d’un artiste et révèle son parcours de vie, ses inspirations, son processus créatif, et sa fascination pour le mythe et l’histoire. L’utilisation de la 3D permet de s’immerger complétement dans le monde de l’un des plus grands artistes contemporains, Anselm Kiefer.
Analyse : Un documentaire impressionnant sur ce géant de l’art contemporain, Anselm Kiefer, vu par un grand cinéaste, contemporain de l’artiste, Wim Wenders. Ils sont tous deux nés en 1945 et ont vécu dans cette Allemagne dévastée, aux côtés de ceux qui ont été les témoins ou les acteurs de cette infamie de l’histoire qu’ils ne voulaient plus affronter. Ce film bouleversant nous montre les créations géantes de cet artiste hanté par ce passé refoulé, toiles, sculptures, architecture, passionnantes d’un point de vue autant esthétique qu’historique. Kiefer a investi d’énormes espaces, dans des paysages somptueux, que se soit à Barjac près de Nîmes ou à Croissy-Beaubourg en Seine-et-Marne, concevant des constructions gigantesques, des ateliers à ciel ouvert pour abriter ses œuvres, utilisant la nature environnante pour y disperser ses robes de mariées vides ou ses énormes immeubles bancals d’une fin de guerre. La caméra du cinéaste nous montre l’artiste dans la création de ses toiles géantes, les aspergeant de plomb fondu, ou brulant au chalumeau des touffes de végétations plaquées dessus. Une œuvre qui est un cri, une désespérance, d’une force à la mesure de son message. Kiefer est obsédé par l’histoire allemande, la période du nazisme lorsque l’Allemagne a voulu exterminer le peuple juif, et la mauvaise conscience nationale qui a suivi. En 1969 déjà il s’était fait photographier dans un environnement magnifique faisant un salut nazi provocateur. La 3D, habilement utilisée par le cinéaste, donne à ces images une extraordinaire précision, un volume et une profondeur nécessaires pour apprécier le gigantisme de l’œuvre de Kiefer. L’artiste nous lit des poèmes de Paul Celan (1920-1970), auteur roumain de langue allemande, naturalisé français en 1955, dont l’œuvre est également hantée par la mort nazie, lui qui avait perdu ses deux parents dans les camps de concentration. Wim Wenders ne s’est pas cantonné au documentaire. Il y a introduit de la fiction en faisant jouer le rôle du père jeune par le fils et le rôle de l’artiste plus jeune par un enfant de sa famille. C’est dommage car cela n’ajoute rien et gâche un peu un film passionnant.
Je vous recommande vivement de voir Le règne animal de Thomas Cailley et The Killers of the flower moon de Martin Scorsese, deux chefs d’œuvre sur lesquels tout a été écrit et qu’il ne faut pas rater.