Autrice : Monia Chokri, née en 1982, est une actrice et réalisatrice québécoise. Elle a joué sous la direction de réalisateurs aussi fameux que Denys Arcand (L’Âge des ténèbres) et Xavier Dolan(Les amours imaginaires et Laurence Anyways). En 2013, elle réalise son premier court-métrage Quelqu’un d’extraordinaire qui obtient une quinzaine de prix dont plusieurs à l’international. En 2019, pour son premier long métrage La femme de mon frère, elle remporte le Prix coup de cœur du jury de la section Un certain regard à Cannes. Son second long métrage, Babysitter, a été sélectionné au festival de Sundance en 2022. Son troisième, Simple comme Sylvain, a été sélectionné à Cannes 2023 dans la section Un certain regard et a obtenu le Grand Prix du jury au festival de Cabourg ainsi que le Prix du jury Jeunesse.
Interprètes : Magali Lépine Blondeau (Sophia- ; Pierre-Yves Cardinal (Sylvain) ; Francis-William Rhéaume (Xavier) ; Monia Chokri (Françoise, une amie).
Résumé : Sophia est professeure de philosophie à Montréal et vit en couple avec Xavier depuis 10 ans. Sylvain lui est un artisan qui doit rénover leur maison de campagne. Quand Sophia et Sylvain se rencontrent pour la première fois, c’est le coup de foudre.
Analyse : Dans son troisième film Monia Chokri , qui est une magnifique actrice, présente une comédie romantique en démontant tous les clichés du genre. Un coup de foudre entre un artisan et une professeure de philosophie qui, ironie du sort fait des cours sur l’amour chez Platon, Schopenhauer, ou Jankélévitch. Un amour charnel irrépressible qui pousse Sophia dans les bras de ce charpentier, beau et fort avec un sexappeal certain. Tout le contraire de ce qu’elle enseigne. Tout le contraire de son compagnon Xavier, intellectuel réservé. Pendant toute la première partie du film on les voit vivre cet amour au désir incandescent, avec une sensualité débridée, sans tabou, sans niaiserie ni vulgarité. Leurs corps sont faits pour s’entendre. Le désir amoureux est remarquablement filmé, avec des dialogues savoureux, d’un humour décapant, parfois très crus, jamais vulgaires ; un vrai plaisir pour les oreilles et les yeux. De belles scènes très inventives, avec l’utilisation fréquentes du zoom pour indiquer que lorsque l’on est amoureux on ne voit rien d’autre que la personne aimée. Mais le désir est-il suffisant quand on est de cultures aussi différentes ? Peut-on être étanche aux prescriptions sociales ? C’est le problème que pose ce film avec une certaine originalité malgré un thème bien connu. Dans la seconde partie la réalisatrice montre par petites touches subtiles comment leurs univers se séparent irrémédiablement, comment la différence de culture est un obstacle à une vie commune et à l’amour tout court qui a besoin d’un autre carburant que le seul amour physique qui finit par avoir ses limites. Ils parlent la même langue mais pas le même langage. Quand elle parle Rimbaud il répond Michel Sardou (sait-elle seulement qui est Sardou ?) et quand dans une réunion quelqu’un parle de la Dame aux camélias et qu’il demande ce que c’est, on sent qu’elle a honte. Et la honte de l’autre est du sable sur lequel on ne construit rien de solide. Certes pour elle cette relation était nécessaire car on voit qu’elle vit avec Xavier une relation qui n’est qu’intellectuelle. Ils font chambre à part et ont des conversations qui n’ont rien de banal. Mais là encore, à l’inverse de ce qu’elle vit avec Sylvain, l’entente intellectuelle n’est pas suffisante pour faire vivre un amour. Un film plein de charme, élégant, très attachant, d’une grande justesse, qui nous donne une très belle image du désir féminin.