Autrice et auteur : Filipa Reis, née en 1977, est réalisatrice et productrice de films depuis 2000. Titulaire d’un diplôme de troisième cycle en cinéma et télévision, elle a fondé en 2008 la société de production Uma Pedra no Sapato. João Miller Guerra, né en 1974, est un producteur, réalisateur, acteur portugais. Il et elle ont réalisé essentiellement des documentaires (notamment Li Ké Terra (2010). Leur premier film de fiction est Djon Africa (2018). Légua est leur second. Il a été sélectionné à la Quinzaine des cinéastes à Cannes 2023.
Interprètes : Carla Maciel (Ana) ; Fátima Soares (Emilia) ; Vitória Nogueira da <Silva (Monica).
Résumé : Dans un vieux manoir situé au nord du Portugal, Ana aide Emília, la vieille gouvernante qui continue de prendre soin d’une demeure où les propriétaires ne se rendent plus. Au fil des saisons, Mónica, la fille d’Ana, remet en question les choix de sa mère, et ces trois générations de femmes tentent de comprendre leur place dans un monde en déclin
Analyse : Legua est un hameau au Nord du Portugal. Dans une grande maison de maître le temps s’est arrêté. Le mobilier qui sent bon la cire, l’ambiance, la lumière, les couleurs, tout nous projette dans les romans de Maupassant ou de Balzac. Trois générations de femmes se côtoient, Emilia l’intendante des lieux, Ana chargée des tâches d’entretien et sa fille Monica. Filipa Reis et Joao Miller Guerra filment avec une telle minutie les objets du quotidien comme pour faire en sorte qu’ils ne disparaissent, les gestes répétitifs d’Ana qui avec conscience, bienveillance et détermination prend soin des choses et des êtres, qu’ils infusent à leur film une poésie, une nostalgie de ce qui est mais ne sera plus, une douce mélancolie. Monica, jeune fille très maquillée, représente la modernité impatiente. Elle n’est pas tendre avec Emilia qui, à ses yeux, empêche sa mère d’avoir une autre vie plus attrayante, celle que son père a décidé de vivre, quittant la Portugal pour la France en quête d’un avenir meilleur ; elle veut d’ailleurs partir pour la capitale. Ana est un être lumineux. Elle vit sa sexualité et sa sensualité de femme bientôt cinquantenaire. Elle donne un sens à sa vie par l’attention qu’elle met aux gestes du quotidien et surtout par sa décision de ne pas partir avec son mari mais de rester auprès de Milinha vieillissante et de plus en plus dépendante. Elle la soigne avec amour, délicatesse et attention, créant une relation d’une grande beauté qui progressivement prend des accents filiaux et imprègne tout le film. La maison devient un ilot hors du monde fait de complicité, de tendresse et de sérénité. Un ilot où l’on se sent bien. Un film faussement banal, dépouillé, juste et délicat, d’une belle simplicité, qui nous rappelle que la vraie vie peut être faite des merveilles des choses simples du quotidien et de la solidarité qui unit les générations.