Los Delincuentes

Auteur : Rodrigo Moreno, né en 1972 est un scénariste, réalisateur argentin. Il est diplômé de l’universidad del Cine en tant que réalisateur et enseigne actuellement dans cet établissement. Scénariste pour la télévision, il a également réalisé un court-métage Nosotros qui a reçu le premier prix au festival de Bilbao. Il co-réalise ensuite avec trois autres diplômés de l’Universidad del Cine, un long-métrage composé de quatre histoires : Sale Epoque (2001), ou comment décrire Buenos Aires aujourd’hui, à travers les destins croisés de plusieurs jeunes gens. Le film a déjà obtenu le prix du public du festival de Toulouse et le Prix du Meilleur film latino-américain du festival de Mar del Plata. Rodrigo Moreno a également reçu le soutien financier de Fond National des Arts et prépare un documentaire Lejano Este. Los Delincuentes a été sélectionné à Un Certain regard à Cannes 2023.

Interprètes : Daniel Elias (Morán) ; Esteban Bigliardi (Román) ; Marguerita Molfino (Norma) ;  Cecilia Rainer (Morna) ; Laura Paredes (une enquêtrice). 

Résumé : Román et Morán, deux modestes employés de banque de Buenos Aires, sont piégés par la routine. Morán met en œuvre un projet fou : voler au coffre une somme équivalente à leurs vies de salaires. Désormais délinquants, leurs destins sont liés. Au gré de leur cavale et des rencontres, chacun à sa manière découvrira une voie nouvelle vers la liberté.

Analyse : Le cinéma argentin ne laisse pas de nous surprendre. De longs films amples, poétiques, étranges, divaguants et romanesques, de La Flor (1,2,3,4 ; voir fiches des 13, 27 mars, 9 avril 2919) de Mariano Llinas, au foutraque Por el dinero de Alejo Moguillansky, à l’extraordinaire récent Trenque Lauquen de Laura Citarella. Comme pour ces films on ne doit pas être rebuté.e.s par la longueur. Il faut au contraire se laisser emporter par cette œuvre originale, pleine de drôlerie et de fantaisie. C’est une véritable ode à la liberté. Car s’il s’agit d’un casse en banque, l’argent, paradoxalement n’est pas le motif principal. Morán a minutieusement préparé son plan. On le voit compter, arriver à un chiffre qu’il multiplie par deux pour arriver à 650 000 dollars. C’est exactement la somme que lui et son complice gagneraient pendant les 25 ans qu’il leur reste à travailler à la banque jusqu’à leur retraite. Un incident surréaliste qui commence le film : deux clients qui ont exactement la même signature, va être le déclencheur. Morán ne veut pas finir sa vie dans ce bureau triste et gris à faire des tâches répétitives. Il veut vivre libre, tout de suite. On peut le comprendre. Il compte sur 6 ans de prison, réduits à trois pour bonne conduite, et ensuite la liberté. La vie à la banque est d’ailleurs déjà une prison. Le réalisateur nous adresse ce message en faisant jouer le rôle du patron de la banque et du caïd qui rackette les autres prisonniers par le même acteur ! Le complice que Morán entraine malgré lui dans cette aventure, car il a besoin de quelqu’un pour cacher son magot, va aussi entrevoir les joies de cette liberté. Cette liberté sera celle de la seconde partie, lumineuse, pleine de rencontres, de diversions apparentes mais qui toutes on une attache avec le thème du film. 

Par une facétie du réalisateur, le recours à l’anagramme rend le film ludique. Le complice de Morán s’appelle Román, lequel rencontre un groupe de deux jeunes filles, Morna et Norma, femme très libre, accompagnées de Ramón…  Le chassé-croisé se reproduira jusque dans le rapport amoureux. 

Une mise en scène précise et qui se permet également quelques fantaisies par l’utilisation de split screens ou écrans divisés, avec une image au gain ancien qui rappelle les films français des années 70. Une référence explicite est d’ailleurs faite au cinéma français, les héros allant voir L’Argent de Bresson. 

La musique des Pappo’s Blues, groupe argentin des années 70 et un de leur vinyle qui circule comme une transmission de relai, accompagne le film. Leur chanson finale pose la question : « Adónde está la libertad ? » (« Où est la liberté ?) » : elle partout dans ce film admirable. Un vrai bonheur !

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