Auteur : Gaël Morel, né en 1972, est un réalisateur, scénariste et acteur français. À 18 ans André Téchiné lui donne l’un des rôles principaux rôle dans son film les Roseaux sauvages où il joue n adolescent introverti et tourmenté, entre les fracas de la guerre d’Algérie et la découverte de l’homosexualité. Mais c’est la réalisation qui l’intéresse. Après quelques courts métrages il réalise son premier long, À toute vitesse (1996). Suivent cinq autres films dont Les Chemins de l’oued (2002), Après lui (2006), ou Prendre le large (2017). Il est passé ensuite par la télévision (Premières neiges (1999), un documentaire, Famille tu me hais en 2020, puis un téléfilm, Constance aux enfers en 2022). Il faudra attendre, sept ans après son dernier long métrage, Vivre, mourir, renaître. Le film a été présenté au dernier Festival de Cannes (dans la sélection Cannes Première), puis au Festival du film francophone d’Angoulême à la fin de l’été.
Interprètes : Lou Lampros (Emma) ; Victor Belmondo (Cyril) ; Théo Christine (Sammy).
Résumé : Emma aime Sammy qui aime Cyril qui l’aime aussi. Ce qui aurait pu être un marivaudage amoureux à la fin du siècle dernier va être dynamité par l’arrivée du sida.
Analyse : Après plusieurs années de silence Gaël Morel nos offre un film délicat, sensible, subtil, débordant d’amour dans un contexte pourtant tragique. Dans un titre qui sonne comme un programme, le réalisateur décline ses trois propositions en trois parties. Vivre : Nous sommes dans les années 90. C’est l’époque de l’insouciance, de la joie de vivre, de la liberté, figurée par la première scène, une grande fête techno dans laquelle on danse frénétiquement, on s’aime, on se drogue à l’ecstasy. Emma et Sammy dansent langoureusement et prennent de la bouche du dealer les pilules de drogue, aussi bien elle que lui, ce qui permet de savoir que Sammy, interrogé par Emma, a déjà eu des relations sexuelles avec des hommes. Ce dealer qui est photographe se trouve être le voisin du couple. Se noue alors une relation passionnelle entre les deux hommes, aussi intense que peut l’être celle qui lie le couple qui a un enfant et envisage sereinement l’avenir. Les deux couples baignent dans un amour joyeux presque enfantin. Lorsque Emma découvre cette relation entre Sammy et Cyril tenue secrète jusqu’alors, elle l’accepte avec toutefois une pointe de jalousie. Mourir : Les années 90 sont aussi les années sida. Celui-ci s’invite tragiquement dans ce trio amoureux. Malgré cet aspect tragique de la situation, chacun essaie de lutter avec détermination contre le désespoir en se tournant davantage vers un avenir qu’ils espèrent meilleur. N’oublions pas que c’est l’époque où l’on meurt du sida. Ils se battent avec courage et ténacité, notamment en profitant des tranches de plaisir que peut leur offrir la vie, témoin cette magnifique escape en Italie dans des paysages de rêve. On est déjà dans Renaître. L’arrivée de la trithérapie va permettre à la vie de reprendre (« puisque nous allons vivre »). Gaël Morel renoue avec l’histoire d’un trio puisque dans son premier rôle en tant qu’acteur dans le magnifique film d’André Téchiné, Les Roseaux sauvages, il incarnait l’amoureux d’un garçon en couple avec une jeune fille. Mais ici s’invite le tragique. Vivre Mourir et Renaître est le plus beau film de Morel, soutenu par une musique omniprésente. Une musique qui souligne parfaitement l’atmosphère de chaque séquence, que ce soit les mélodies déchirantes de Georges Delerue qui accompagnent l’intensité de la passion, ou la « Valse romantique » et « Rêverie » de Claude Debussy ; que ce soit les notes de Tchaïkovski qui soulignent le romantisme de la première partie ou « Modern Love » de David Bowie qui revisite une séquence culte de Mauvais sang de Leos Carax, où dans un même mouvement cinématographique Cyril et Sammy courent dans une rue à la recherche de préservatifs pour pouvoir faire l’amour. Plusieurs films ont été réalisés sur cette période terrible où chaque jour apportait ses annonces de décès ; on pense à Leos Carax (Mauvais sang), Christophe Honoré (Aimer, plaire et courir vite), Robin Campillo (120 Battements par minute), sans que ce film soit une redite. C’est au contraire un film nécessaire, d’une grande force et d’une belle sensibilité, avec une mise en scène nerveuse, un montage bien rythmé, et un trio d’acteur lumineux qui ajoutent à la beauté de ce film très attachant.