Diamant brut

Autrice : Agathe Reidinger, née en 1985, est une jeune réalisatrice française. Elle étudie à l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) à Paris. Initialement attirée par la photographie, elle se tourne ensuite vers la production de films vidéo. En 2014 elle crée un court métrage de cinq minutes Nameless : ER.  Elle réalise également des vidéoclips et des films de mode. Puis deux courts métrages, J’attends Jupiter (2019) par lequel elle souhaite dénoncer la société du showbiz. Puis Eve (2019) sur deux femmes alpha qui aspirent à l’idéal parfait de beauté. Diamant brut, son premier long métrage, est présenté en compétition officielle à Cannes 2024. 

Interprètes : Malou Khebizi (Liane) ; Idir Azougli (Dino) ; Andréa Bescond (sa mère).

Résumé : Liane, 19 ans, vit avec sa mère et sa petite sœur à Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour une émission de télé-réalité. 

Analyse :  Venant d’un milieu très défavorisé Liane fait de tout pour sortir de sa condition. Elle utilise ce qui est sa portée : les réseaux sociaux. Elle fait des vidéos, a des milliers de followers et pense que l’avenir est là. Elle se maquille beaucoup et a toute la panoplie pour briller dans ce milieu : faux cils, faux ongles, lèvres et seins botoxés, fessiers augmentés, extensions capillaires, tenues très suggestives. Elle a un corps hypersexualisé mais aucune attention à sa propre sexualité. Elle veut simplement plaire, être aimée, susciter le désir, être célèbre et réussir très vite sa vie. La réalisatrice part à la chasse des préjugés et change le regard condescendant que l’on pourrait avoir envers ces jeunes filles qui sont séduites par le miroir aux alouettes des télés réalités, car c’est pour elles à peu près le seul avenir possible. Elle bouscule notre confort et nos jugements envers ces « bimbos », ces Loana et Nabilla, vedettes des loft story, qu’on a vite fait d’assimiler à des écervelées qui courent après des rêves de pacotilles et qui n’ont rien d’autre à montrer qu’elles-mêmes et de préférence leurs fesses. Qui sommes-nous pour juger ? Connaissons-nous le pourquoi et le comment du parcours de ces jeunes femmes ? Liane est la version moderne de la demi-mondaine de la Belle Époque, Liane de Pougy. Ces jeunes femmes étaient souvent issues de milieux modestes et utilisaient leur beauté et leur intelligence pour mettre dans leur lit tous les grands de ce monde. Leurs réseaux sociaux à elles étaient les cartes postales qui les représentaient et qu’elles distribuaient généreusement. La réalisatrice ajoute la touche religieuse qui rappelle la Belle Époque (Liane de Pougy a fini dans un couvent) quand Liane prie dans le train ou apprend à Dino la prière à Saint Joseph.

Agathe Roedinger regarde ces jeunes filles au-delà des apparences, avec une certaine tendresse sans porter aucun jugement moral ni tomber dans aucun cliché ni misérabilisme. Liane n’est pas la sotte que l’on pense. Elle est intelligente, téméraire, sait se défendre, décidée à suivre son chemin malgré le scepticisme de son entourage familial et social. 

Un film très juste de ton, avec une belle bande son, nécessaire car il nous donne une leçon de vie. Un film très attachant sur une jeunesse pathétique par certains côtés mais qui n’a pas beaucoup d’autres choix. Soulignons également la justesse du choix de la réalisatrice qui pour son premier film a choisi une non professionnelle débutante, remarquable de sensibilité et de talent.

Laisser un commentaire