Auteur : Michel Hazanavicius, né en 1967 est un réalisateur, scénariste, producteur, monteur et acteur français. Il commence sa carrière au cinéma en 1997 par un court métrage, Echec au capital. Son premier long métrage Mes Amis date de 1999. Il a parallèlement une grande activité de scénariste et d’acteur. Il est connu du grand public pour la réalisation de deux parodies de film d’espionnage avec Jean Dujardin : OSS 117 : Le Caire, nid d’espions (2006) et OSS 117 : Rio ne répond plus (2009), puis pour le film romantique muet, The Artist (2011), avec Jean Dujardin et Bérénice Bejo qui a remporté plus de cent récompenses dont trois Oscars, meilleur film, meilleure réalisation, meilleur acteur pour Dujardin, et le prix d’interprétation masculine à Cannes 2011. Plusieurs fois présent à Cannes, également en 2014 pour The Search, en 2017 pour Le Redoutable et en 2022 pour Coupez !. Son dernier film La plus précieuse des marchandises a été présenté en sélection officielle à Cannes 2024. Il est depuis 2019 président de conseil d’administration de la Fémis.
Interprètes : avec les voix de Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Grégory Gadebbois, Denis Podalydès.
Résumé : Dans les années 1940, en Pologne, un couple de pauvres bûcherons recueille un bébé jeté depuis l’un des trains qui traversent la forêt avoisinante.
Analyse : Un film d’animation bouleversant, qui traite d’un sujet sérieux et tellement douloureux, la Shoah, avec infiniment de tact et de subtilité. Hazanavicius qui s’est risqué à plusieurs genres cinématographiques, aborde pour la première fois l’animation avec intelligence et talent, surtout lorsque l’on sait qu’il a participé au dessin de l’image. Plutôt que montrer frontalement l’horreur, il a préféré adapter le conte éponyme de Claude Grumberg (2019) en choisissant l’image animée. « Toucher l’indicible par le dessin était une proposition qui permettait d’aborder dignement sa représentation tout en collant à l’imaginaire d’un conte », précise le réalisateur. Ce conte montre ce que les humains peuvent faire de pire, mais aussi de meilleur en mettant en scène des Justes qui prouvent que même dans les pires moments l’humanité est encore capable de donner espoir. La voix émouvante, tellement reconnaissable et qui semble arriver d’outre-tombe, de Jean-Louis Trintignant qui a enregistré à l’aube de son grand départ, commence le conte comme ceux que l’on a entendus dans notre enfance : « Il était une fois…dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. » C’est ainsi que commence un récit d’une grande force, d’une rare intensité, conçu pour les adultes mais aussi pour les enfants que le réalisateur prend soin de ne pas traumatiser. Dans des teintes souvent sombres, hivernales, parfois lumineuses, avec un dessin rude, des visages taillés à la serpe, sur une musique peut-être trop présente d’Alexandre Desplat, le réalisateur n’élude pas les images de la pire des réalités. Il pénètre dans ce train de l’horreur, monstre de fer aveugle, lugubre et effrayant, qui parcours de nuit la forêt polonaise, dans lequel on voit « la marchandise », conformément au vocabulaire nazi, entassée, hommes, femmes, enfants, vieillards. Un homme regarde ses deux bébés et semble être le seul à comprendre leur destination. Il regarde par une fente défiler la forêt nimbée de neige et la silhouette d’une femme. Dans un geste insensé de survie il jette un de ses bébés par une fenêtre en espérant qu’il sera accueilli. C’est une petite fille que la bucheronne va élever avec tout l’immense amour dont elle est capable. Avec les voix de Dominique Blanc et Grégory Gadebois qui donnent vie au couple de bucheron, le réalisateur nous donne un récit bouleversant de force, d’humanité et de poésie. Il nous prouve qu’avec la bonne distance on peut montrer l’indicible. Il ose d’ailleurs affronter la représentation des camps en suivant le vol d’un oiseau. C’est la fin, les russes sont déjà là ; seuls quelques squelettes vivants errent dans ce lieu de désespérance. Dans un beau monologue final sur la voix de Jean-Louis Trintignant, le réalisateur nous met en garde contre le mensonge et le révisionnisme. Un très grand film, un chef d’œuvre.