Conclave

Auteur : Edward Berger, né en 1970, est un réalisateur, scénariste, producteur allemand. Il fréquente la Haute École d’arts plastiques de Brunswick, puis poursuit ses études de réalisation aux États-Unis. Il travaille au sein d’une société américaine de production indépendante. Il s’installe ensuite à Berlin et réalise en 1998 son premier long-métrage Gomez-Koft oder Zahl qui lui vaut une certaine notoriété, puis Frau2 sucht HappyEnd (2001). Il réalise ensuite diverses séries et plusieurs téléfilms. Après treize ans d’absence, il revient au cinéma en 2014 avec Jack sélectionné à la Berlinale. En 2022, le film À l’Ouest, rien de nouveau qui  lui apporte neuf nominations aux Oscars. Il signe en 2024 le thriller Conclave adapté du roman éponyme de Robert Harris. Favori pour les Oscars, le film a reçu six nominations pour la prochaine cérémonie des Golden Globes.

Interprètes : Ralph Fiennes (cardinal Lawrence) ; Stanley Tucci (cardinal Bellini) ; Isabella Rossellini (Sœur Agnès) ; John Lighgow (cardinal Tremblay) ; Carlos Diehz (cardinal Benitez) ; Lucian Msamati (cardinal Adeyemi) ; Sergio Castellitto (cardinal Tedesco).

Résumé : Quand le pape décède de façon aussi mystérieuse qu’inattendue, le cardinal Lawrence se retrouve en charge d’organiser la sélection de son successeur. Alors que les machinations politiques au sein du Vatican s’intensifient, il se rend compte que le défunt leur avait caché un secret qu’il doit découvrir avant qu’un nouveau Pape ne soit choisi. 

Analyse : Conclave est un thriller haletant. Que l’élection d’un nouveau pape suscite chez les cardinaux, tous potentiels candidats, ambition, soif de pouvoir et d’honneurs, tractations, jeux d’alliance, compromis, rien d’étonnant. La vie politique nous en donne des exemples quotidiens et pour être cardinaux ils n’en sont pas moins hommes. Mais le film au-delà de ces aspects, nous plonge dans les noirceurs de cette élection, où les luttes de pouvoir prennent un tour féroce avec manipulations, complots, manigances, traitrises, vengeances. On découvre un candidat sérieux qui risque fort d’emporter l’élection qui est en réalité un manipulateur, un traitre, un affairiste, un corrompu et un menteur. Au milieu de ce panier de crabes, le cardinal Lawrence (exceptionnel Ralph Fiennes), doyen du collège des cardinaux est chargé de gérer le conclave. Il doit veiller à ce que le candidat élu soit le moins contestable possible. Le conclave est divisé entre progressistes d’une part et traditionnalistes qui tiennent des discours intolérants, xénophobes, racistes, homophobes, qui reflètent les dérives de notre société actuelle. Lawrence, de sensibilité progressiste, doit tenter de trouver le meilleur candidat entre le progressiste Bellini, le réactionnaire Tremblay, le conservateur nigérian Adeyemi et le très virulent traditionnaliste italien Tesdesco. Il n’est pas candidat lui-même, traversant une crise non pas tant de sa foi mais plutôt à l’égard de l’institution. Ses discours, intelligents et modérés, mettent l’accent sur le danger de la certitude, « plus grand ennemi de l’unité, ennemi mortel de la tolérance » invoquant la nécessité du doute sans lequel « il n’y aurait pas de mystère et donc plus de foi ». Il semble que le film ait fait scandale aux États-Unis car il montre que l’Église est ringarde, poussiéreuse, toujours engluée dans ses préjugés.

Un film plein de rebondissements, (trop diraient certains, mais ce n’est pas mon avis) jusqu’à un dernier très audacieux mais finalement assez drôle, très bien écrit et intelligemment mené, avec des images de toute beauté (notamment la ronde des cardinaux dans la cour sous leur parapluies blancs, vue en plongée, dans une magnifique chorégraphie), dans des décors somptueux de la chapelle Sixtine et de la résidence Sainte-Marthe où le pape est décédé, qui ont été reconstitués dans les studios de Cinecitta. Un film qui aurait pu avoir sa part d’ennui en montrant le vote des nombreux cardinaux et des différents tours de scrutins, mais qui ne l’est pas, Edward Berger, dans une mise en scène certes classique, mais très juste, sachant habilement utiliser l’éclipse et la suggestion. Plusieurs thèmes sont abordés, le rapport entre la foi et la certitude, le rejet de l’autre dans sa religion et son identité, et, de manière inattendue, celui de la place des femmes. Ce dernier point peut susciter l’étonnement dans cet univers d’hommes pour lesquels la femme est le diable tentateur qu’il faut éviter. Elles sont inexistantes, ne servent qu’à assurer le confort et la bonne nourriture de ces messieurs. Mais paradoxalement elles existent également dans le discours de certains cardinaux et dans la présence de la mère supérieure de ce monde de petites mains en la personne de sœur Agnès (attachante Isabella Rosselini) qui impose sa présence.  Un film très plaisant à ne pas négliger.   

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