Auteur : Cesc Gay est un espagnol catalan de 49 ans. Après un court métrage en 1987 Le bal masqué il réalise en 1998 son premier long métrage, Hotel room, entièrement tourné dans sa chambre et qui reçoit le prix du jury du Festival du cinéma Atlantique à Cadix. Puis Krampack en 2000, En la ciudad en 2003 et Ficciòn en 2006. Il réalise, en 2012, avec les deux mêmes acteurs que Truman, Les hommes ! De quoi parlent-ils ?
Résumé : Juliàn est un acteur Madrilène. Divorcé il vit avec son chien Truman. Il reçoit la visite inopinée de son vieil ami Tomàs, qui vit au Canada et qu’il n’a pas revu depuis longtemps. Le but de la visite de ce dernier est très précis : inciter son ami à continuer son traitement alors qu’il se trouve en phase terminale d’un cancer. Le film raconte les quatre jours du séjour de Tomàs.
Analyse : Cesc Gay s’est lancé un défi : faire un film sur la mort, qui soit ironique, léger, en restant détaché de son sujet, sans tomber dans l’émotionnel lourd et plombant. Défi relevé.
Le réalisateur, tout comme Moretti (Mia Madre), s’est nourri de l’expérience de la maladie puis de la mort de sa mère, au cours de laquelle il a noté les situations, les réactions les émotions de l’une et des autres. « De ce train-train quotidien, alors que je prenais soin de ma mère, surgissaient des moments spéciaux, inattendus et même comiques. L’idée d’aborder de manière drôle et tendre un sujet aussi douloureux et traumatisant pour les gens concernés m’a semblé intéressante. Truman est une tentative de surmonter la panique que nous ressentons face à la maladie et à la mort imminente, la nôtre ou celle d’un être cher. C’est l’exploration de nos réactions devant l’inattendu, l’inconnu et la douleur. »
De cette expérience le cinéaste a tiré un film juste de ton, qui frise parfois le pathos sans jamais y tomber, d’une grande tendresse qui irradie tous les personnages : celle de Tomàs pour son ami, et réciproquement, celle de Juliàn pour son chien Truman, celle, plus rugueuse de la cousine Paula, ou celle pleine de retenue et de pudeur du fils de Juliàn. Même si chacun porte sa complexité et ses doutes, il n’y a chez eux aucune once de méchanceté ou de mesquinerie. Et là encore, il n’est pas toujours facile de faire un film avec que des bons, sans tomber dans la mièvrerie ou le sentimentalisme. Il faut dire que le film est porté par deux magnifiques acteurs qui lui donnent tout son relief. Ricardo Darin (El Chino, Dans ses yeux, Les nouveaux sauvages, notamment), séducteur désabusé, qui a décidé de vivre pleinement les jours qui lui restent, avec panache, dans la bonne chaire et l’alcool, qui prend sa mort à bras-le-corps, l’organisant avec courage, mais non sans moments d’émotions extrêmement touchants ; Javier Càmara (Parle avec elle), moins séduisant mais élégant, solide ami fidèle, qui finalement, avec beaucoup de finesse et de retenue, comprend l’attitude de son ami.
C’est aussi un film sur l’amitié ; de cette belle amitié entre hommes où la parole est rare mais l’échange intense, avec ses non-dits et ses larmes retenues.
Un film sensible, intelligent, sobre et élégant, qui nous fait passer du rire aux larmes, plein de tendresse et d’authenticité. Il a été couronné par trois Goya (l’équivalent hispanique de notre César) : Goya du meilleur film, Goya du meilleur acteur à Ricardo Darin, Goya du meilleur second rôle à Xavier Càmara. Ce film aurait mérité un autre Goya, non pour la mise en scène assez classique, mais pour son scénario efficace et percutant.