Arnaud Meunier, Truckstop
Arnaud Meunier est un metteur en scène français de 43 ans. En 2011 il a pris la direction de la Comédie de Saint-Étienne, Centre dramatique national et de son École supérieure d’art dramatique. Il est diplômé de Sciences politiques et commence rapidement des études de comédien. En 1997 il fonde la Compagnie de la Mauvaise Graine qui participe au festival d’Avignon dans le off en 1998. Sa compagnie est accueillie en résidence au Forum du Blanc-Mesnil et est soutenue par le Théâtre Gérard Philippe sous la direction de Stanislas Nordey, puis dans divers autres endroits comme Amiens ou Reims. La compagnie axe son travail de création sur des auteurs contemporains comme Michel Vivaner ou Stefano Massini dont il monte plusieurs pièces dont Chapitre de la chute, Saga des Lehman Brothers qui a obtenu le Grand prix du Syndicat de la critique en 2014. En 2015 il met en scène Le retour au désert de Bernard-Marie Koltès. Il a également une carrière internationale car parlant l’Allemand et l’Anglais, il a travaillé au Japon, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, en Algérie, en Chine et aux Etats-Unis, entre autres.
Truckstop est une pièce d’une auteure néerlandaise qui a reçu en 2005 pour cette œuvre le prix Van der Vies (décerné tous les trois ans au meilleur texte théâtral). L’action se passe dans un décor très sobre de bar routier tenu par une mère et sa fille dont on finit par deviner qu’elle est très fragile. Le troisième personnage est un jeune camionneur routier, un peu paumé, enchainant les boulots et les projets sans que rien de concret ne se réalise. Tous trois sont en quête d’une vie meilleure. A travers leurs désirs et la réalité se dessine notre monde d’aujourd’hui : mondialisation, concurrence acharnée, déshumanisation au travail. L’intérêt de cette pièce, outre une mise en scène sobre et efficace, est que le récit n’est pas linéaire. On ressent un drame, une énigme policière qui nous est dévoilée par bribes avec des retours au passé, des projections dans l’avenir, et un présent qui se délite.
Remarquable interprétation du jeune Maurin Oliès, auquel on peut prédire un bel avenir théâtral. Claire Aveline dans le rôle de la mère, est une magnifique comédienne au parcours riche et pleine d’expérience. Quant à la jeune Manon Raffaelli, j’ai trouvé qu’elle n’a pas été, malheureusement, à la hauteur de son rôle, nous campant une Katalijne assez mièvre et sans la personnalité qu’il aurait fallu pour un rôle aussi dense et difficile.
Sofia Jupither, Tigern
Sofia Jupither est une metteuse en scène qui travaille en Suède,depuis 2001 et en Norvège depuis 2005. Elle rencontre un grand succès en mettant en scène des auteurs scandinaves classiques, comme Ibsen ou Strindberg, mais aussi contemporains, comme Jon Fosse et Lars Norén. Dans le cadre du projet européen Villes en scène elle rencontre la dramaturge roumaine Gianina Carbunariu dont elle décide de mettre en scène la pièce La tigresse.
La pièce part d’un fait divers : une tigresse, Mahaela, s’est échappée du zoo d’une ville pour découvrir la ville et le monde. Ce fait est présenté comme une enquête policière : explications, carte à l’appui, des lieux de la ville proches du zoo, audition des témoins, qui sont tous sur scène, sans décor et sans costumes de théâtre, des monsieur et madame tout le monde, qui parlent tour à tour, un chauffeur de taxi, des touristes, un SDF, une banquière. Et c’est à travers cette réalité que se dévoilent les problèmes de la Roumanie, avec des réminiscences de l’ère Ceausescu, mais aussi du monde actuel : peur de l’autre, de l’étranger, la finance, la petitesse du quotidien, la mesquinerie des rapports humains. Chaque comédien est un archétype qui renvoi le spectateur à lui-même. Le seul moment où les comédiens sont costumés c’est dans la scène finale, lorsque le point de vu des animaux du zoo est donné : le singe au cul rouge, l’hippopotame, les ours, le phoque, dans des moments d’une drôlerie irrésistible. Une très belle pièce.