AMERICAN HONEY

american-honey-affiche-967f8Auteur : Andrea Arnold, est une réalisatrice et scénariste de nationalité britannique, née en 1961. Elle a fait des études à l’American Film Institute Conservatory dont elle sort diplômée en 1991. Elle commence une carrière à la fois de scénariste et d’actrice de télévision. Elle réalise plusieurs courts métrages et obtient pour Wasp l’Oscar du Meilleur court-métrage de fiction en 2004, qui la fait remarquer par la profession. Elle passe au long-métrage en 2006 avec Red Road pour lequel elle reçoit le Prix du jury au festival de Cannes 2006. Mais c’est Fish Tank, qu’elle réalise en 2009, qui finit de consacrer la réalisatrice. Comme son précédent long-métrage, il remporte le Prix du jury cannois ainsi que le BAFTA du Meilleur film britannique. Son film suivant qui est une adaptation personnelle des Hauts de Hurlevent, en 2011, a moins de succès que ses précédents. Elle est membre du jury cannois en 2012, et enchaîne l’année suivante avec la Mostra de Venise. Revenue à Cannes en 2014, elle y préside la semaine de la Critique. Elle obtient de nouveau le Prix du jury au Festival de Cannes 2016 pour American honey.

Résumé : Star, 17 ans, croise le chemin de Jake et sa bande qui sillonnent le Midwest américain à bord d’un van. Ils vivent de vente de revues en porte à porte. En rupture avec sa famille, elle s’embarque dans l’aventure ponctuée de rencontres, fêtes et arnaques et trouve ce qu’elle cherche depuis toujours : la liberté ! Elle tombe amoureuse de Jake sans bien connaître les codes de cette société qui ne sont pas toujours conformes à son éthique personnelle.

Analyse : Andrea Arnold a déjà affirmé au travers de ses précédents films son goût pour les jeunes marginaux, particulièrement dans Fish Tank. Avec ce dernier film elle s’est déplacée en Amérique où elle s’est intéressée à cette Amérique blanche et pauvre de jeunes gens qui n’ont d’autre espoir que celui de vivre au jour le jour, avec un avenir incertain pour ne pas dire sans avenir. Sans famille pour la plupart, c’est dans le groupe qu’ils vont la recréer, vivant dans ce vase clos, joyeux et insouciant, qui dans le film prend la forme d’un van qui parcours l’Amérique avec leur musique bruyante, leurs arrêts dans des motels miteux, leurs blagues de potache et la solidarité qu’ils se manifestent. On imaginerait alors un film joyeux, plein de mouvement et de dynamisme. C’est effectivement le cas. Mais au delà de cette joie tonitruante, de cette merveilleuse liberté, de cette insouciance, il y a un profond désespoir et c’est un monde bien triste qui nous est présenté par Andrea Arnold qui dénonce les dérives d’un système économique. Certes ce mode de vie n’est pas sans rappeler le mouvement hippie des années 60, ces jeunes qui rejetaient les valeurs traditionnelles, le mode de vie de la génération de leurs parents et la société de consommation, qui voulaient vivre d’amour, d’eau fraiche et de chansons. Mais l’utopie n’est plus de ce monde. Nos américains pur sucre, même s’ils se veulent libres et décontractés, ont en réalité reconstitué en miniature une société libérale avec tous ses poncifs. Une société fondée sur l’argent, qui est leur quête obsédante, la violence à l’occasion, avec une « chef d’entreprise », Krystal, qui mène tout ce monde à la baguette, les exploite durement et n’hésite pas à les abandonner au bord de la route s’ils ne sont pas assez rentables ou assez souples. Une société qui ne fait pas envie, où les faibles, entendons ceux qui n’ont pas assez rapporté d’argent, qui n’ont pas assez vendu au prix de mensonges à la limite de l’escroquerie, aux riches comme aux plus pauvres des revues dont ils n’ont nul besoin, doivent rituellement se battre le soir pour défendre leur peau. Une fausse famille, une liberté amère, une fausse insouciance, de laquelle émerge Star, émouvante Sasha Lane dont c’est le premier rôle, le seul être authentique et pur, insubmersible, et qui s’en échappera dans une scène finale qui ressemble à un baptême de la vie.

On reconnaît l’admirable maîtrise de la caméra qu’a la réalisatrice et qui a fait son succès. Elle filme les corps au plus près, saisissant toute leur jeunesse et leur sensualité. La caméra à l’épaule, elle donne à ses plans, souvent magnifiques et soignés, plus de mouvement encore. On a même parfois l’impression que la caméra est sur l’épaule de Star. C’est à travers elle, son regard, sa naïveté, sa candeur que l’on voit se dérouler le fil de leur vie. On tremble souvent pour elle car elle se met constamment en danger, sur le fil du rasoir, sauvée de situations scabreuses soit par le chevalier blanc sous la forme du hurlement d’un loup, soit par sa bonne étoile. Mais Star est un être lumineux que rien ne semble pouvoir atteindre. Et c’est ce qui fait en partie la force de ce film.

Certes, et cela a été remarqué par la critique, la réalisatrice n’avait peut-être pas besoin de 2 h 43. Une bonne demi-heure de moins n’aurait rien enlevé au propos, au contraire. Certes aussi la musique, volontairement très présente, est parfois fatigante, mais c’est sans doute une question de générations. Il reste que c’est un film attachant, généreux et lumineux, qui mérite le couronnement qu’il a obtenu à Cannes.

 

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